
Le cancer du poumon¹ représente le plus fréquent des cancers liés au tabac (80%), avant le cancer des voies aérodigestives supérieures (70 %), et le cancer de la vessie (50%). Le tabac entraîne la méthylation (ADN) et la désacétylation (histones) de certains gènes impliqués dans le développement du cancer du poumon², et la survenue d’un cancer 30 ans plus tard, plus fréquent parmi les hommes que parmi les femmes.
Le cancer du poumon chez les non-fumeurs (CPNF) représente environ 25% de tous les cancers du poumon.
Sa prévalence varie en fonction de plusieurs facteurs, et il est plus fréquemment détecté chez les femmes, les populations asiatiques et les individus ayant des antécédents familiaux de cancer du poumon³,⁴. L’occurrence de ce type de cancer peut également différer selon les régions géographiques, avec des taux plus élevés rapportés dans certains pays d’Asie de l’Est et d’Europe de l’Est, comparativement à l’Amérique du Nord et à l’Europe de l’Ouest.
Des études épidémiologiques ont également identifié des expositions environnementales susceptibles d’augmenter le risque de CPNF, notamment la fumée secondaire et la pollution de l’air.
Il a été associé, dans des études observationnelles⁵,⁶ à l’exposition à la fumée de tabac secondaire ainsi qu’à la pollution de l’air.
Objectifs de l’étude
Cette étude a été menée conjointement par des chercheurs de l’Université de Californie à San Diego et de l’Institut national du cancer (NCI), qui fait partie des Instituts nationaux de la santé (NIH). Pour Ludmil Alexandrov, co-auteur principal de l’étude, professeur de bio-ingénierie et de médecine cellulaire et moléculaire à l’Université de Californie à San Diego, il était important de comprendre pourquoi de plus en plus de non-fumeurs développent un cancer du poumon.
Méthodologie
Les auteurs ont utilisé les données de l’étude Sherlock-Lung⁷ pour évaluer les expositions mutagènes dans les CPNF en examinant les génomes cancéreux de 871 personnes atteintes d’un cancer du poumon n’ayant jamais fumé et n’ayant reçu aucun traitement préalable, provenant de 28 régions géographiques : Amérique du Nord, Canada, Europe de l’Ouest et de l’Est, Russie et Asie (Hong-Kong, Corée du Sud, Taïwan et Philippines).
Résultats
Les mutations KRAS étaient 3,8 fois plus fréquentes dans les adénocarcinomes des non-fumeurs d’Amérique du Nord et d’Europe que chez ceux d’Asie de l’Est, tandis qu’une plus forte prévalence des mutations EGFR et TP53 était observée dans les adénocarcinomes des non-fumeurs originaires d’Asie de l’Est.
La signature SBS40a, dont la cause est inconnue, représentait la plus grande proportion de substitutions de bases simples dans les adénocarcinomes, et était enrichie dans les cas présentant des mutations EGFR. La signature SBS22a, associée à l’exposition à l’acide aristolochique, a été observée presque exclusivement chez des patients originaires de Taïwan.
Le tabagisme passif n’était pas associé à des mutations pilotes spécifiques ni à des signatures mutationnelles.
En revanche, les patients provenant de régions à forte pollution atmosphérique étaient plus susceptibles de présenter des mutations TP53 et des télomères plus courts. Ils présentaient également une augmentation de la plupart des types de mutations, notamment une augmentation de 3,9 fois de la signature SBS4, précédemment liée au tabagisme, et une augmentation de 76 % de la signature SBS5, de type « horloge ».
Un effet dose-réponse positif a été observé avec les niveaux de pollution de l’air, corrélant à la fois avec une diminution de la longueur des télomères et une augmentation des mutations somatiques, principalement attribuées aux signatures SBS4 et SBS5.
Conclusions
Les résultats de cette étude mettent en lumière la diversité des processus mutationnels façonnant le paysage génomique du cancer du poumon chez les non-fumeurs.
Références bibliographiques
¹Arvers P. Complications pulmonaires de l’usage du tabac et des autres substances psychoactives. Les Addictions, 317-321 (2023).
²Gao X , Zhang Y , Breitling LP , Brenner H . Tobacco smoking and methylation of genes related to lung cancer development . Oncotarget, 7 ( 37 ) : 59017 – 28.
³Sun S, Schiller JH et Gazdar AF. Lung cancer in never smokers—a different disease. Nat. Rev. Cancer 7, 778–790 (2007).
⁴Bray F, Laversanne M, Sung H, Ferlay J et al. Global cancer statistics 2022: GLOBOCAN estimates of incidence and mortality worldwide for 36 cancers in 185 countries. CA Cancer J. Clin. 74, 229–263 (2024).
⁵World Health Organization & International Agency for Research on Cancer. Tobacco Smoke and Involuntary Smoking: IARC Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans Vol. 83 (WHO & IARC, 2004).
⁶Ciabattini, M., Rizzello, E., Lucaroni, F., Palombi, L. & Boffetta, P. Systematic review and meta-analysis of recent high-quality studies on exposure to particulate matter and risk of lung cancer. Environ. Res. 196, 110440 (2021).
⁷Landi, M. T. et al. Tracing lung cancer risk factors through mutational signatures in never-smokers: the Sherlock-Lung study. Am. J. Epidemiol. 190, 962–976 (2021).
Dr Philippe Arvers (1,2,3)
1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)
2 – 7ème Centre Médical des Armées (76ème Antenne médicale de Varces)
3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)
En savoir plus : https://www.nature.com/articles/s41586-025-09219-0