La folie est une notion polysémique. En matière de drogue, elle désigne le fait de répéter les mêmes erreurs et d’en attendre des résultats différents. C’est la folie qui me force à en prendre contre ma volonté. Je suis incapable d’arrêter. Je suis monomaniaque, comme possédée par un esprit malin dont le seul but est d’obtenir et de consommer autant d’héroïne que possible.
Et c’est tous les jours pareil : le soir, je jette mes seringues et jure de ne plus jamais y toucher. Le matin, je file chez mon dealer, en pyjama, et j’en achète de nouvelles sur la route.
Ce besoin dévorant de consommer de la drogue m’a mise dans de sacrées galères. J’ai franchi beaucoup de limites. Une fois, un homme m’a étranglée si violemment que j’ai cru mourir. Plusieurs fois, j’ai couché avec un dealer en échange d’un peu d’héro. J’ai eu trois voitures à la suite : la première a explosé parce que j’ai oublié de mettre de l’huile dans le moteur. La seconde a foncé droit dans un mur parce que j’ai piqué du nez sur une route sinueuse. J’ai toujours la troisième, une seringue pleine sur le siège, près de ma cuisse droite, prête à jaillir au cas où les flics m’arrêteraient.
J’ai menti, volé, vendu tous mes biens. J’ai été arrêtée, fouillée, enfermée dans une cellule pendant des heures. J’ai contracté une septicémie qui a bien failli me tuer. Je me souviens encore de l’expression de mon petit frère alors qu’il me regardait me tordre dans mon lit d’hôpital. Je me souviens des quatre médecins qui m’ont dit que j’allais mourir si je me piquais à nouveau. J’ai passé cinq jours à l’hôpital et j’ai marqué au fer rouge le jour où j’en suis sortie.