Crise des opioïdes : comment l’Agence du médicament compte éviter l’emballement en France

Un article issu du site The Conversation qui fait le point sur la situation des opioïdes en France en réponse à la crise des opioïdes aux Etats-Unis.

Médicaments

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient de publier un rapport faisant l’état des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques en France. À l’origine d’une crise sanitaire majeure aux États-Unis, cette catégorie de médicaments regroupe tout ceux dont le principe actif agit sur les mêmes récepteurs cérébraux que la morphine (tramadolcodéinepoudre d’opiumoxycodonefentanyl, etc.).

Bien que correctement utilisés la plupart du temps, ces antidouleurs très puissants ont un potentiel d’abus élevé car ils entraînent une forte dépendance : le cerveau des utilisateurs s’y accoutume, ce qui nécessite d’accroître les doses pour conserver les mêmes effets. Cette tolérance induit des usages problématiques : certains patients pratiquant l’auto-médication augmentent leurs doses progressivement, et finissent par consommer plusieurs dizaines de comprimés par jour, ce qui peut aboutir à des overdoses mortelles par dépression respiratoire. La réduction trop rapide des doses s’accompagne par ailleurs d’un syndrome de sevrage.

Aux États-Unis, les dommages sanitaires qu’occasionnent ces médicaments sont tels qu’on les tient en grande partie pour responsables de la grave crise des opioïdes qui frappe le pays. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, les opioïdes sur prescription sont responsables de plus de 17 000 décès annuels par overdose accidentelle, et plusieurs millions d’Américains seraient désormais dépendants à ces composés. À l’origine de cette situation dramatique, des prescriptions excessives et inadaptées de fentanyl et d’oxycodone, accompagnées d’une promotion pharmaceutique mal maîtrisée par les autorités sanitaires américaines.

Or, en France, les prescriptions d’antidouleurs opioïdes sont en augmentation. Actuellement, 17 % des Français reçoivent chaque année au moins une délivrance remboursée de ces médicaments. Conséquence : les premiers signaux d’une potentielle crise sanitaire commencent à poindre. Comment éviter que celle-ci ne devienne similaire à celle qui fait rage en ce moment de l’autre côté de l’Atlantique ?

Des médicaments de plus en plus consommés

Le constat de l’Agence du médicament est clair : les opioïdes dits « faibles » (codéine, tramadol, opium) sont particulièrement prescrits dans notre pays. Leur usage concerne environ 11 millions de Français. Si le retrait de l’association dextropropoxyphène/paracétamol en 2011 a fait reculer la consommation globale, celle des autres opioïdes faibles a fortement augmenté depuis (le tramadol est l’antalgique opioïde le plus consommé – +68 % entre 2006 et 2017).

Les opioïdes faibles sont aujourd’hui dix-huit fois plus utilisés que les opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl). Or, s’ils sont moins puissants, les risques de mauvais usage sont comparables.

Par ailleurs, en 2017, un million de Français ont reçu une délivrance d’un antalgique opioïde fort soit deux fois plus en 12 ans. La progression la plus forte concerne l’oxycodone : +738 % entre 2006 et 2017.

Oxycodone et fentanyl sont particulièrement concernés par les hausses de prescriptions d’opioïdes forts, or le mésusage de ces deux médicaments a été à l’origine de la crise des opioïdes aux États-Unis.

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