
Pourquoi avoir fait cette recherche ?
Le trouble déficit de l’attention avec/sans hyperactivité (TDAH) et les addictions comportementales partagent des bases neurobiologiques communes, telles que la dysfonction du système de récompense et le déficit de contrôle inhibiteur. Cependant, les effets des médicaments indiqués dans le traitement du TDAH sur ces addictions n’ont été que peu étudiés, notamment chez les adultes. Les rares études disponibles concernent des enfants et des adolescents, montrant des effets positifs des médicaments psychostimulants sur certaines addictions (jeu vidéo, alimentation). Par ailleurs, aucun traitement n’a pour l’instant d’autorisation de mise sur le marché dans le traitement des addictions comportementales, et les options thérapeutiques se limitent principalement à des interventions psychologiques.
Cette recherche visait à explorer l’effet du méthylphénidate sur les addictions comportementales chez des adultes suivis pour un TDAH.
Quel est le but de cette recherche ?
L’objectif principal était d’étudier les effets à long terme (un an) du méthylphénidate sur les symptômes des addictions comportementales (addiction aux jeux d’argent, à l’alimentation, au sexe, aux achats, à Internet), ainsi que sur les comorbidités psychiatriques associées (troubles anxieux et troubles de l’humeur).
L’objectif secondaire était de comprendre les liens entre l’amélioration des symptômes du TDAH, de l’humeur, de l’impulsivité et les changements observés dans les addictions comportementales.
Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
Échantillon : 37 adultes (âge médian : 28 ans) diagnostiqués avec un TDAH, traités au Brain Center Firenze (Florence, Italie).
Près des trois-quarts de l’échantillon présentaient des comorbidités psychiatriques : troubles anxieux (35%), troubles de l’humeur (24%), troubles de l’usage de substance (32,4%), trouble obsessionnel compulsif (5,4%) et troubles des conduites alimentaires (5,4%).
Traitement : tous les patients ont débuté un traitement par méthylphénidate à dose flexible (de 10 à 40 mg/jour, 32 mg/jour en moyenne). Des interventions psychologiques complémentaires pour les comorbidités étaient possibles.
Tests psychométriques : l’évaluation des patients reposait sur des questionnaires validés pour dépister le TDAH (BAARS-IV, basé sur le DSM-IV-TR), pour dépister les addictions comportementales et mesurer l’intensité des symptômes [Internet Addiction Test (IAT), Bergen Shopping Addiction Scale (BSAS), Yale Food Addiction Scale (YFAS), Sex Addiction Screening Test – Revised (SAST-R), South Oaks Gambling Screen (SOGS)], et pour mesurer la sévérité de l’impulsivité (BIS-11), de la dépression et de l’anxiété (Symptoms of Depression Questionnaire (SDQ)).
Des tests statistiques ont été réalisés pour comparer les scores pré- et post-traitement.
Quels sont les principaux résultats à retenir ?
Les résultats indiquaient une réduction significative de l’intensité des symptômes pour chacune des addictions comportementales considérées (sauf pour l’addiction aux jeux d’argent, où les scores étaient nuls en pré et post-traitement).
Par ailleurs, on observait une diminution de la prévalence des troubles entre le début et la fin de l’étude (addiction à Internet : de 29.7% à 18.9% ; l’addiction à l’alimentation : 18.9% à 13.5% ; addiction au sexe : 5.4% à 0%), sauf pour l’addiction aux achats dont la prévalence restait stable (13.5%) et pour l’addiction aux jeux d’argent pour laquelle aucun patient n’était dépisté.
Améliorations globales
La proportion de patients présentant une addiction comportementale a diminué de 51,4% à 35,1%, sans qu’ils reçoivent de traitement spécifique.
Les corrélations indiquent que l’amélioration des scores d’addictions comportementales est liée à une réduction des symptômes d’inattention et d’impulsivité, ainsi qu’à une amélioration des troubles de l’humeur et troubles anxieux.
L’effet du traitement par méthylphénidate n’a pas été influencé par les interventions psychologiques ou les autres médicaments.
Points-clés à retenir :
Le méthylphénidate semble efficace pour réduire les symptômes des addictions comportementales, en particulier l’addiction à internet, à l’alimentation, aux achats, et au sexe, chez des patients suivis pour un TDAH.
Les améliorations observées sont associées à une meilleure gestion des symptômes du TDAH, de la dépression et de l’anxiété.
Les limites de cette étude sont liées à un échantillon de petite taille, composé principalement de femmes diplômées et à la nature de l’étude (exploratoire, sans groupe témoin), rendant difficile l’interprétation isolée des effets du méthylphénidate.
En savoir plus : https://doi.org/10.1556/2006.2024.00060
Grassi G, Moradei C, Cecchelli C.
Long-term changes on behavioral addictions symptoms among adults with attention deficit hyperactivity disorder treated with methylphenidate. J Behav Addict. 2024 Nov 14.