Quel est l’impact de la prescription sur ordonnance sécurisée de la prégabaline ?

Résultat dans une étude sur les dispensation nationales 2020-2022, publiée dans "International Journal of Drug Policy".

Médicaments
Impact prescription ordonnance sécurisée prégabaline

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Illustration prégabaline

La prégabaline est un médicament autorisé pour le traitement de la douleur neuropathique, l’épilepsie et le trouble anxieux généralisé depuis 20 ans. Selon les résultats de la revue Cochrane de 2019, la prégabaline est plus efficace qu’un placebo que chez une minorité de patient, la plupart des patients n’en tireront aucun bénéfice. Ce médicament a « remplacé » la gabapentine (son petit frère) lorsque celui-ci a été génériqué. Si les premiers cas d’abus sont décrits peu de temps après sa mise sur le marché mondial, il faudra attendre 2018 pour que ce phénomène soit largement visible en France. En 2020, l’enquête OSIAP qui collige les prescriptions falsifiées présentées en officine montre que la prégabaline est devenu le n°1. C’est pour cette raison que les autorités sanitaires françaises ont décidé en 2021 de classer la prégabaline comme assimilé stupéfiant, en imposant sa prescription sur « ordonnance sécurisée ». Nous avons donc souhaité évaluer l’impact de cette mesure réglementaire sur la consommation de traitements.

En utilisant des données provenant d’un échantillon national représentatif de 12 690 officines françaises (OpenHealth), nous avons comparé les dispensations sur l’année pré- vs. post-changement réglementaire. Nous avons utilisé des comparateurs qui étaient : la gabapentine, les médicaments ayant l’indication pour le trouble anxieux généralisés, l’épilepsie et les douleurs neuropathiques. Les paramètres analysés étaient : (1) le nombre de prescriptions de prégabaline dispensées, (2) la présence ou non d’opioïdes et/ou benzodiazépines co-dispensés chez les personnes recevant de la prégabaline, et (3) le nombre de prescriptions dépassant la dose maximale recommandée de 600 mg par jour. Pour réaliser cette analyse, nous avons conduit une analyse de séries temporelles interrompues (ITS). Nous avons construit un modèle contrefactuel pour prédire ce qui se serait passé sans l’intervention.

Les résultats montrent que, suite au changement réglementaire, on a observé une réduction de 22,7 % du nombre de dispensations de prégabaline. Parallèlement, il y a eu une diminution significative des prescriptions co-dispensées d’opioïdes (18,4 % contre 11,6 %, p<0,001) et de benzodiazépines (21,4 % contre 11,7 %, p<0,001). Les prescriptions dépassant la dose maximale recommandée pendant la période de l’étude ont chuté de 10,6 %. Ces prescriptions supra thérapeutiques représentaient 2,5 % des dispensations sur l’ensemble de la durée d’étude. À la suite de la modification réglementaire, il y a eu une baisse immédiate et importante de 38 475 375 mg (95 %CI [-66 931 799 mg ; -10 018 951 mg]) des délivrances de prégabaline. Cette baisse s’est poursuivie au cours des mois suivants, avec une diminution de 4 788 107 mg (95 %CI : [-8 888 326 mg ; -687 888 mg] par mois. Le modèle contrefactuel prévoyait que, sans l’intervention, il n’y aurait pas eu de changement notable dans les délivrances de prégabaline. Les analyses ITS n’ont montré aucun changement significatif dans les délivrances de prégabaline à la suite de la nouvelle réglementation pour le sous-échantillon ayant des doses supérieures à 600 mg par jour.

Conclusion : La réglementation adoptée en 2021 par les autorités sanitaires françaises a significativement réduit la dispensation totale de prégabaline dans les pharmacies communautaires, même si l’impact sur les mésusages n’a pas pu être évalué dans cette étude basé uniquement sur les dispensations et sur la quantité dispensée.

Julia de Ternay et Mathieu Chappuy

Lien vers l’article : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S095539592400344X