DROGUES / Comment mieux réguler les opioïdes de prescription? Un point de vue éclairant dans le New England Journal of Medicine

Le New England Journal of Medicine est, avec The Lancet et le JAMA, l’un des journaux médicaux de tout premier plan au niveau mondial. Aux Etats-Unis, les problèmes de mésusage et d’addiction secondaires aux prescriptions d’opioïdes antalgiques, en particulier d’opioïdes forts, ont pris des proportions d’épidémie, avec de nombreux cas d’overdoses mortelles.

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Benjamin Rolland et Mustapha Benslimane pour une publication conjointe du Flyer et de Addict’Aides

Le New England Journal of Medicine est, avec The Lancet et le JAMA, l’un des journaux médicaux de tout premier plan au niveau mondial. Aux Etats-Unis, les problèmes de mésusage et d’addiction secondaires aux prescriptions d’opioïdes antalgiques, en particulier d’opioïdes forts, ont pris des proportions d’épidémie, avec de nombreux cas d’overdoses mortelles.

Les décès de stars, comme Prince dernièrement, prises au piège de leur addiction, nous rappellent régulièrement cette problématique.

L’article en question est une opinion d’experts, ce que l’on appelle dans le jargon un « position paper », venant de spécialistes de Santé Publique de l’université de Seattle. Cet article soulève des questions extrêmement sensibles aux Etats-Unis, et dont certaines s’appliquent au moins en partie à la France.

Les auteurs rappellent en effet que la Food & Drug Administration (FDA), c.à.d. l’agence de sécurité du médicament aux Etats-Unis, a la possibilité de décréter des « blackbox warnings », c’est-à-dire des retraits temporaires du marché de médicaments pour lesquels un signal majeur de sécurité a été constaté.

Or, bien que les opioïdes antalgiques forts aient été impliqués dans la mort par overdose d’environ 165 000 personnes aux Etats-Unis, aucune mesure de ce type n’a jamais été envisagée par la FDA, alors qu’elle a pourtant dans le passé initié ce genre de mesures pour beaucoup moins que cela, avec d’autres classes de molécules. Les auteurs essaient de comprendre d’où vient ce paradoxe. Ils estiment que les opioïdes antalgiques ont acquis un caractère sacré dans la société américaine, au nom du droit fondamental au soulagement de la douleur. Le retrait temporaire du marché de certaines molécules serait ainsi vu comme une atteinte inadmissible envers ce droit fondamental.

Plus encore, les auteurs estiment que cette culture a été en partie instillée par une stratégie active de l’industrie pharmaceutique. Ils donnent pour cela l’exemple de l’Oxycodone (Oxycontin®) dont le laboratoire Purdue Pharma a financé, entre 1996 et 2001, la tenue de 20 000 programmes de « gestion de la douleur » à destination du corps médical. Les auteurs soulignent également des pratiques très commerciales auprès des patients (des coupons de réductions pour l’achat de boites d’oxycodone seraient disponibles en ligne), ainsi que des slogans publicitaires très évocateurs : « a pill for every ill », c.à.d. « une pilule pour tout trouble ». Les auteurs estiment que c’est ainsi toute une génération de médecins qui a été conditionnée à la prescription d’opioïdes dès qu’un patient leur parle de douleurs. Ils rappellent que les opioïdes antalgiques ont été développés pour les douleurs aiguës, et que leur rapport bénéfices/risques dans les douleurs chroniques non-cancéreuses n’est, à ce jour, pas clairement démontré.

En résumé, les auteurs estiment que les deux principaux responsables de l’épidémie actuelle de décès dus aux opioïdes sont l’industrie pharmaceutique, mais aussi les médecins eux-mêmes. Toutefois, ils rappellent que, si la FDA régule l’industrie et non les pratiques de prescriptions, certaines mesures pourraient, si elles étaient prises par l’Agence américaine, influer sur les pratiques de prescription.

Cette situation fait écho au contexte français, peut-être de manière un peu moins alarmante pour ce qui concerne les opioïdes antalgiques, mais probablement au moins tout autant pour ce qui concerne d’autres médicaments à risque addictif, en particulier les benzodiazépines, dont les français sont de gros consommateurs.

Enfin, pour les opioïdes antalgiques, en particulier pour l’Oxycontin®, les manœuvres et le story-telling pernicieux de certaines compagnies pharmaceutiques ont fait l’objet déjà de plusieurs articles extrêmement instructifs dans le Flyer, que vous trouverez en lien ci-dessous.

 

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_4.pdf

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_5.pdf

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_7.pdf

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_9.pdf

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_10.pdf

http://rvh-synergie.org/images/stories/pdf/e-dito_13.pdf

 

PS : Le lendemain même de l’écriture de ce billet, Le Monde Sciences a publié un article sur le même sujet.
http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/04/24/opiaces-attention-danger-mortel_5116629_1650684.html

 

 

 

 

 

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