Toujours plus, tout de suite, n’importe où: notre monde moderne est un monde d’addicts. C’est le point de vue défendu par plusieurs psychologues et philosophes, dont Cynthia Fleury, également psychanalyste. «Se dire addict, c’est d’abord souvent une manière d’amoindrir le problème. “Toxico”, “drogué”, ce serait tout de suite plus violent. Addict, c’est presque un gimmick, le prix de la modernité. Si on est addict, c’est qu’on suit la tendance», explique-t-elle. Un point de vue partagé par le sociologue Patrick Pharo, selon lequel «on ne rencontre pas dans les sociétés précapitalistes de phénomène d’addiction de masse, comme c’est le cas dans les sociétés contemporaines».
Les auteurs du dernier Baromètre santé à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) renforcent cette conviction. Entre 2010 et 2016, par exemple, le pourcentage des fumeurs quotidiens n’a en effet cessé d’augmenter parmi les Français à faibles revenus, en passant de 35,2 % à 37,5 %. Pour l’expliquer, le rapport avance l’existence d’une «norme sociale en faveur du tabagisme».
De quoi s’agit-il? «Si l’addiction est en passe de devenir la maladie du XXIe siècle, comme le furent l’hystérie au XIXe siècle et la dépression au XXe siècle, c’est que cette pathologie est symptomatique des dynamiques et des conflits qui agitent notre environnement socioculturel, des aspirations et des paradoxes dans lesquels se trouve pris l’individu contemporain»…