Industrie du tabac : des lobbies en guerre contre la santé publique

Infiltrant les conférences de lutte contre le tabagisme ou créant des fondations bidon contre le tabac, l’industrie des cigarettes est prête à tout pour défendre son business. Son dernier cheval de bataille : la traçabilité de ses propres produits, qu’elle ne veut surtout pas laisser à un organisme indépendant.

Tabac

Un grand raout contre le tabac. Du 1er au 6 octobre derniers, les Etats parties (COP 8) à la Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte anti-tabac (CCLAT) se sont réunis à Genève, avant de se retrouver, trois jours durant, pour la première session de la Réunion des Parties au Protocole (MOP1). Objectif : « faire adopter une nouvelle stratégie mondiale pour accélérer la mise en œuvre de la Convention-cadre de l’OMS et (…) réduire de 30% la prévalence de la consommation de tabac d’ici à 2025 », selon Mafoya Dossoumon, directeur de la communication de la Framework Convention Alliance (FCA), qui regroupe plus de 500 ONG luttant contre le tabagisme.

Infiltration de conférences et fondations bidon : les fumeuses méthodes des géants du tabac

Problème, parmi les 1 500 délégués des 181 Etats représentés à la COP 8 se sont glissés des invités non désirés. Le service communication de l’évènement a ainsi exclu manu militari un faux journaliste, muni d’une véritable carte de presse mais qui n’avait pas été accrédité ; il avait, probablement, été missionné par les majors du tabac. Lors de la COP 6 organisée à Moscou, le délégué d’un Etat avait déjà remis son badge d’accès à un représentant des cigarettiers, qui avait pu subtiliser une série de documents stratégiques.

Si l’industrie du tabac n’est, bien évidemment, pas conviée à assister à ces conférences destinées à la combattre, elle « est toujours très influente lors des COP, notamment à travers la composition de certaines délégations », affirme Guangyuan Liu, coordinatrice pour la gouvernance et la coopération internationale au secrétariat de la CCLAT. Pour parvenir à leurs fins, les industriels n’hésitent pas à arroser de généreux subsides des institutions aussi prestigieuses que l’Organisation internationale du travail (OIT) ou Interpol – cette dernière s’étant vue, pour ces mêmes raisons, refuser le statut d’observateur par les Etats parties à la CCLAT.

Pour laver plus blanc que blanc, l’un des leaders mondiaux de la cigarette, Philip Morris International (PMI) a poussé le cynisme jusqu’à créer, en septembre 2017, une très officielle Fundation for a Smoke-Free World, dont le but affiché est « d’éliminer le tabagisme dans le monde ».