Depuis l’introduction par John Kabat-Zinn (1982) des pratiques de méditation de pleine conscience (mindfulness-based practices/therapies) dans le milieu médical, nous assistons à un intérêt croissant de ces thérapies pour une grande variété de pathologies et de troubles psychologiques. Cette pratique a donné lieu à plusieurs programmes spécifiques pour les patients souffrant de troubles addictifs, comme par exemple la Mindfulness-Based Relapse Prevention (MBRP), la Mindfulness-Based Substance Abuse Treatment for Adolescents (MBSAT), la Mindfulness Training for Smokers (MTS), la Mindfluness-Based Addiction Treatment (MBAT) ou encore la Mindfulness-Oriented Recovery Enhancement (MORE).
Malgré le développement de ces pratiques, nous manquons encore d’un consensus clair quant à la définition de ce qu’est la mindfulness (si elles se réfèrent toutes plus ou moins à la conceptualisation de Kabat-Zin : « une prise de conscience sans jugement et une acceptation de l’expérience du moment présent », tous les programmes qui se recommandent de la pleine conscience ne le sont pas forcément, et ses applications diffèrent grandement selon les troubles considérés). De plus, nous manquons actuellement d’une vision globale qui nous permettrait d’évaluer l’efficacité de ces thérapies dans les troubles addictifs, ainsi que de pistes permettant d’améliorer leur mise en œuvre en les adaptant aux spécificités des patients souffrant d’addiction.
Les auteurs de cet article ont donc proposé une revue de la littérature des thérapies de pleine conscience existantes pour les patients souffrant de troubles addictifs (évaluation du niveau de preuve et description des mécanismes pouvant sous-tendre leur efficacité potentielle), ainsi que des pistes visant à améliorer l’évaluation et l’implantation de ces thérapies dans ce domaine.
Dans leur revue de la littérature, les auteurs constatent des résultats disparates. Plusieurs méta-analyses soulignent l’efficacité des thérapies de pleine conscience pour de nombreuses addictions (alcool, tabac, cannabis, substances illicites, jeu), tandis que d’autres retrouvent des résultats contrastés : il est nécessaire de disposer d’un niveau de preuve plus élevé avant de conclure dans ce domaine.
Les effets bénéfiques de la pleine conscience pourraient s’expliquer par : une réduction de la réactivité aux évitements stressants (notamment vis-à-vis des stimuli déclencheurs du craving), le maintien de cette pratique de pleine conscience au décours des séances de thérapies prédéfinies, ou encore une modification des interactions entre plusieurs systèmes neurobiologiques impliqués dans les addictions (mais peu d’études ont été conduites dans ce domaine spécifique).
Les auteurs soulignent plusieurs limites actuelles des thérapies de pleine conscience et de leur mise en œuvre en addictologie, qui sont autant de pistes potentielles d’amélioration : (1) manque de consensus quant à la formation des thérapeutes pratiquant la pleine conscience; (2) nécessité d’adapter le format traditionnel qui est constitué de séances de 2 heures en groupe; (3) intérêt d’adapter la pratique de la pleine conscience à un format plus bref applicable en thérapie individuelle; (4) adaptation de la pleine conscience pour des personnes présentant un objectif de réduction de la consommation ou étant à un stade de motivation au changement différent de celui du maintien (la majorité des études ayant jusqu’à présent porté sur des sujets ayant une motivation au changement importante); (5) la mise en œuvre des thérapies de pleine conscience via les nouvelles technologies de l’information et de la communication; (6) l’intégration de la pleine conscience dans la médecine de précision : pour quels types de patients la pleine conscience est-elle spécifiquement efficace?
Au final, ce travail démontre l’intérêt des thérapies de pleine conscience dans le champ des addictions avec et sans substance, et met en évidence des pistes d’amélioration pour favoriser la mise en œuvre de cette thérapie chez nos patients et de mieux comprendre les mécanismes sous-tendant son efficacité. Pour répondre aux questions soulevées par cet article, il ne reste plus qu’à se lancer dans ce champ passionnant de recherche !