Du jeu récréatif au jeu pathologique
En France, l’offre de jeux d’argent et de hasard est très diversifiée et accessible, et il est ainsi possible de jouer à une grande variété de jeux d’argent, en ligne ou dans des espaces dédiés : loterie (loto, jeux de grattage…), casinos (machines à sous, roulette…), paris hippiques, paris sportifs ou encore poker. En France, contrairement à d’autres pays européens ou du monde, les jeux de casino en ligne sont interdits, compte-tenu de leur potentiel addictif. Si les jeux d’argent et de hasard sont interdits aux mineurs, ils restent un loisir courant chez les adultes. Ainsi, plus de la moitié des adultes français y jouent au moins une fois par an, et leur popularité ne cesse d’augmenter (+4.6% entre 2019 et 2023), notamment avec la digitalisation de l’offre de jeu.
Pour la plupart des joueurs, ces pratiques représentent une source de divertissement, et restent contrôlées, en adéquation avec leurs moyens financiers et leur temps disponible. La pratique des jeux ne pose alors aucun problème et demeure une source de plaisir, dans le cadre d’un loisir que la personne choisit de s’offrir. On parle alors de pratique « sociale » ou « récréative ».
Mais pour certains, le jeu peut devenir excessif. On parle alors de jeu problématique, lorsqu’il entraîne une perte de contrôle et des conséquences négatives sur la vie personnelle, familiale, financière, professionnelle ou sur la santé (stress, anxiété, dépression) (renvoyer à la page sur les complications).
On estime actuellement qu’environ 5% des joueurs sont concernés par le jeu problématique, soit 1,2 million d’adultes en France. Cette situation inquiète les professionnels de santé, d’autant plus que les demandes de prise en charge dans les centres d’addictologie (CSAPA – Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie) augmentent chaque année. Ainsi, en 2022, 4 500 patients y étaient suivis pour une addiction aux jeux d’argent et de hasard.
Jeux d’argent et de hasard en France : entre régulation, banalisation et incitation
Malgré leur caractère répandu, quels que soient l’âge et les milieux socio-économiques, les jeux d’argent et de hasard ne sont pas pour autant des biens de consommation comme les autres, compte tenu des risques inhérents à ces activités. L’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) veille ainsi à leur encadrement afin de protéger les joueurs et limiter les risques. Son action repose sur trois axes principaux
- La lutte contre le jeu excessif : examen des programmes de jeux, des autorisations de jeux, des stratégies promotionnelles des opérateurs, et approbation de leurs plans d’actions.
- La protection des mineurs : interdiction de vente aux mineurs, contrôles renforcés, sensibilisation auprès du grand public, études ciblées.
- La lutte contre l’offre illégale : fermeture des sites non autorisés.
L’objectif affiché par l’ANJ dans son plan stratégique 2024-2026 est une « diminution drastique de la part et du nombre des joueurs excessifs au sein du marché des jeux d’argent » et un renforcement de la protection des mineurs.
En parallèle, le marché des jeux d’argent et de hasard continue de croître. En 2023, il a généré 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit une augmentation de 50% depuis 2011. Face à ces enjeux financiers, les opérateurs de jeux déploient des stratégies marketing agressives, avec une hausse de 11% des budgets publicitaires en 2025 alors même qu’il n’est pas prévu d’évènements sportifs majeurs en 2025.
Parmi les stratégies marketing utilisées :
- publicités attractives, insistant sur les gains potentiels,
- ciblage algorithmique, qui permet d’analyser le comportement de jeu et d’adresser des notifications et des messages ciblés,
- programmes de fidélisation, qui incluent des incitations financières aux paris sous forme de bonus, de codes promotionnels, ou de freebets (remboursement du premier pari s’il est perdu),
- sponsoring et influenceurs, notamment dans le sport et sur les réseaux sociaux.
Ces stratégies s’appuient souvent sur les croyances erronées sur le jeu, notamment en minimisant l’influence réelle du hasard, en maximisant les compétences supposées des joueurs, ou en renforçant la confusion entre la chance et le hasard (« Marketing des jeux de hasard et d’argent, un enjeu de santé publique ? », Morgane Guillou Landreat, Jeremy Deriennic, Paul Brunault, Gaelle Challet Bouju, Karine Gallopel Morvan, Marie Grall Bronnec, La Presse Médicale, Volume 48, Issue 4, April 2019, Pages 347-352,).
Contrairement à la publicité sur l’alcool et le tabac, strictement encadrée par la loi Evin, la publicité sur les jeux d’argent et de hasard n’est pas aussi contraignante en France, même si l’ANJ impose désormais certaines restrictions :
- messages de prévention obligatoires,
- interdiction de cibler les mineurs ou d’inciter au jeu excessif,
- interdiction de mettre en avant que le jeu contribue à la réussite sociale ou à gagner sa vie comme une alternative au travail…
D’autres pays européens, comme l’Espagne ou l’Italie, ont récemment réduit de manière encore plus drastique la promotion des jeux d’argent et de hasard.
Au-delà des campagnes publicitaires, la banalisation des jeux d’argent et de hasard passe aussi par la famille. Nombreux sont les parents qui initient eux-mêmes leurs enfants aux jeux d’argent et de hasard et ce très jeunes, sans mesurer les risques associés. En 2024, ce sont ainsi 20% des Français qui envisageaient d’offrir des jeux de grattage comme cadeaux de Noël à leurs enfants. Si cela peut sembler anodin en premier lieu, ce type d’exposition précoce favorise le développement de croyances erronées et peut constituer une porte d’entrée vers des comportements de jeu à risque.
La régulation et la prévention doivent donc continuer à s’adapter à un secteur en constante évolution, où la protection des joueurs reste un défi majeur face à une industrie toujours plus performante dans ses stratégies de promotion.
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