Les kits de naloxone (intranasale ou intramusculaire) sont des dispositifs de réduction des risques (RDR) de décès liés aux overdoses remis aux usagers de substances opioïdes. Ces kits font désormais partie intégrante des approches RDR dans de nombreux pays. En France, après l’échec de la mise sur le marché définitive du Nalscue® (Indivior®), un antidote intramusculaire, le Prenoxad® (Ethypharm®), et plus récemment, un nouvel antidote intranasal, le Nyxoid® (Mundipharma®) sont disponibles pour les CSAPA et CAARUD. Ces produits ont toutefois du mal à trouver leur place dans ces structures en France, pour des raisons complexes qui mêlent les habitudes de certaines équipes, et des questions financières.
Une des critiques théoriques qui revient fréquemment avec la distribution de ces kits est que cela pourrait encourager les usagers à consommer davantage d’opioïdes, du fait du sentiment d’être protégés par leurs kits en cas d’overdose. Si cela était vrai, cela pourrait signifier que la réduction de mortalité permise par l’utilisation de naloxone pourrait être contrebalancée par l’augmentation du risque même d’overdose qui serait liée à ce fameux sentiment de protection. Mais, à ce jour, aucune synthèse de littérature n’a évalué si la dispensation d’antidotes aboutissait à une augmentation des consommations d’opioïdes chez les usagers. C’est ce qu’ont fait les auteurs australiens de cette revue systématique de littérature, publiée dans International Journal of Drug Policy (IJDP), qui est le second plus important journal d’addictologie internationale en termes d’impact, juste après Addiction.
Les auteurs ont retrouvé sept études pertinentes, pour un total de 2 578 patients ayant reçu des kits de naloxone. Quatre de ces études étaient de qualité moyenne, et trois autres de haute qualité. Parmi les cinq études ayant étudié l’évolution des usages d’héroïne avant et après délivrance de kits, aucune n’a retrouvé d’augmentation des niveaux d’usages d’héroïne dans les mois qui suivaient la dispensation. Les cinq études ayant mesuré les évolutions d’usages d’autres substances n’ont pas retrouvé non plus d’augmentation particulière de ces usages. Parmi les quatre études ayant mesuré l’évolution de la fréquence des overdoses, trois n’ont pas retrouvé de variation particulière de cette fréquence, et une a retrouvé une diminution de la survenue d’overdoses après dispensation de naloxone, basé sur du déclaratif et sur des données de prise en charge locale par des services d’intervention d’urgence, équivalents au SAMU en France.
En conclusion, l’argument selon lequel les usagers d’opiacés seraient plus à risque d’augmenter leurs consommations après la délivrance de kits d’antidote de naloxone, car ils se sentent protégés des risques d’overdose du fait de la possession d’un antidote, n’est absolument pas corroboré par l’ensemble des études scientifiques qui ont évalué cette question. Cela renforce la pertinence de la délivrance la plus systématique possible des kits de naloxone aux usagers d’opioïdes, qu’il s’agisse d’ailleurs d’usagers d’opiacés illicites ou même de patients ayant une addiction aux opioïdes médicamenteux après des prescriptions inappropriées d’antalgiques opioïdes.
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Par Benjamin Rolland
La délivrance de kits de naloxone n’augmente pas la consommation d’opioïdes ni le risque d’overdose
Une conclusion que l'on retrouve dans une revue systématique de littérature publiée dans International Journal of Drug Policy.
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