
Dans ce récit à plusieurs voix, il n’est pas question que d’addiction, à moins de considérer le besoin de reconnaissance, la soif de pouvoir, ou le désir de contrôle comme des addictions à part entière. A l’heure où tout risque d’être pointé du doigt comme tel, les substances psychoactives perdent en subversion…
Ici, c’est le monde politique, de la littérature et du cinéma qui est en première ligne. Non pas pour nous plonger de manière stéréotypée, dans les usages festifs débridés si souvent associés aux milieux artistiques, mais pour nous révéler les dessous d’un clinquant de façade où les ambitions et frustrations des uns et des autres invitent à des rapports de force, de soumission et de compromission qui laissent peu de place à des relations et des comportements sains, ou du moins totalement transparents…
L’usage chronique d’alcool d’un ex-président n’y échappe pas. Le tabou semble inévitable, surtout quand il s’agit de sauver la face. Dan Lehman, l’un des personnages centraux du roman, vient d’échouer à sa réélection à la présidence de la République et tente de combler ce qu’il ressent comme un vide existentiel, ou du moins un manque d’intensité de vie, par une consommation “immodérée“ d’alcool, un produit qui anesthésie ses tensions, son manque de stimulation et d’adrénaline.
Il le reconnait aisément, l’alcool lui permet de « supporter la terreur que suscite le vide d’un agenda qu’on a connu que saturé de rendez-vous censés vous rappeler à quel point vous êtes indispensable à la bonne marche du monde. ».
Alors bien entendu, la sortie en librairie de son roman a créé l’évènement, mais l’alcool a déjà pris beaucoup de place dans son existence, dans celle de la comédienne qui partagera sa vie de Président pour enfin le quitter, d’une première ex-compagne, autrice, qui prendra sa part de co-dépendance pour tenter de sauver l’homme qu’elle a aimé, et pour finir celle de sa fille, encore très jeune enfant, née sourde et muette. La vie de Dan Lehman tourne autour de ses besoins d’étancher sa soif d’alcool.
La part de récit le concernant nous propose des digressions en italique qui nous plonge au cœur de son addiction : les fonctions circonstancielles ou de fond de sa consommation, les moments de craving, la quête du produit, le soulagement au moment de l’ingestion, avec cette part d’intimité qui n’appartient qu’à chaque usager.
Le monde tourne autour de Dan Lehman sans qu’il n’ait plus aucune prise dessus. Ce “contrôle des événements“ qu’il avait en tant que président, il doit en faire le deuil…
Thibault de Vivies
DopamineCity.fr