La kétamine révolutionne la prise en charge de la dépression sévère

Cette molécule donne des résultats spectaculaires chez les patients pour qui aucun traitement n’est efficace.

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Elle a longtemps été utilisée pour anesthésier les animaux ou les hommes avant d’être détournée par certains fêtards ou amateurs d’expériences hallucinogènes. Désormais, la kétamine offre de belles perspectives dans la prise en charge de la dépression.

C’est par hasard que les effets antidépresseurs de cette molécule mise au point dans les années 1960 ont été découverts il y a bientôt vingt ans. Une véritable révolution dans le monde de la psychiatrie, qui n’avait pas connu d’innovation thérapeutique dans la prise en charge de la maladie depuis près de cinquante ans.

«Les molécules commercialisées depuis les années 1950 ont quasiment toutes le même mécanisme d’action, ce n’est pas le cas de la kétamine», commente le Dr Pierre de Maricourt, chef de service de psychiatrie au centre hospitalier Sainte-Anne, à Paris. Contrairement aux traitements conventionnels, la kétamine se fixe sur des récepteurs neuronaux particuliers, les récepteurs NMDA au glutamate. Ce mode d’action lui confère des propriétés extraordinaires. Non seulement elle agit beaucoup plus vite que n’importe quel antidépresseur classique – en quelques heures contre quatre à six semaines -, mais elle se révèle aussi efficace chez des personnes souffrant de dépression résistante, c’est-à-dire insensibles à deux traitements ou plus menés pendant au moins six semaines.

Pour l’heure, aucun pays n’autorise la kétamine dans le traitement de la dépression. L’unique moyen dont disposent les patients pour en recevoir consiste à prendre part à un protocole de recherche. L’un d’eux, mené par le laboratoire pharmaceutique Janssen, se déroule actuellement à l’hôpital Sainte-Anne sous la direction du Dr de Maricourt. «Nous comparons l’efficacité de la ketamine – pour être précis, de la eskétamine, une molécule dont la structure est très proche de celle de la kétamine – en spray intranasal, à celle d’un placebo», explique le spécialiste. Contrairement à la perfusion par voie intraveineuse, l’inhalation peut être faite par le patient sans l’aide d’un professionnel de santé. En parallèle, tous les participants à l’étude reçoivent un antidépresseur standard, afin d’éviter que certains n’aient pas de traitement du tout. Pour le moment, une cinquantaine de personnes ont reçu de la kétamine à l’hôpital Sainte-Anne, «à des doses cinq à dix fois plus faibles que celles utilisées en anesthésie», précise le Dr de Maricourt.

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