La pandémie de coronavirus, une occasion supplémentaire d'arrêter de fumer

Hypertension, infarctus, bronchopneumopathie chronique obstructive… Les complications du tabagisme sont autant de facteurs de risque de gravité du Covid-19. Une raison de plus d’arrêter le tabac.

Tabac

Voici maintenant plus d’un mois que le confinement a été mis en place en France, dans le cadre de la pandémie de Covid-19. Parmi les commerces de première nécessité dont la liste a été établie par décret figurent les « commerces de détail de produits à base de tabac », ce qui signifie que les fumeurs peuvent toujours sortir de chez eux pour aller acheter leur tabac.

Cette situation m’a amené à quelques réflexions que j’aimerais partager ici avec vous. Le tabagisme étant un des facteurs aggravants du Covid-19, et la situation actuelle pouvant l’accroître ou entraîner les ex-fumeurs à rechuter (sous l’effet du stress, de la peur d’être porteur du virus, du confinement, etc.), ne s’agit-il pas d’une occasion d’arrêter de fumer ?

La fumée de tabac est à l’origine de nombreuses maladies mortelles

Avant tout, il n’est pas inutile de rappeler que la fumée de tabac contient de très nombreuses substances irritantes et cancérogènes, ainsi que du monoxyde de carbone (CO).

Il est aujourd’hui incontestablement établi que le tabagisme est associé à trois grands groupes de pathologies : les cancers (bronches et poumons, vessie, ORL, œsophage, estomac, colon, foie, pancréas), les maladies cardio-vasculaires (hypertension artérielle, infarctus myocardique, AVC, artérite des membres inférieurs) et les pathologies respiratoires chroniques (BPCO, asthme). Il est également associé à des maladies métaboliques telles que le diabète et l’obésité.

En 2020 s’est déclarée une nouvelle pandémie, celle du Covid-19. Plusieurs publications chinoises ont déjà décrit les facteurs de risque associés à la gravité de cette maladie : l’hypertension artérielle, l’infarctus du myocarde, la bronchopneumopathie chronique obstructivele diabète et l’obésité.

Autant de travaux qui mettent en évidence des complications du tabagisme. Cependant les études épidémiologiques récentes ne portent pas toutes sur les mêmes critères : facteurs associés au décès, ou bien facteurs associés à une forme sévère de la maladie, à une réanimation lourde. Examinons-les plus attentivement.

Les travaux publiés par Wei-jie Guan et ses collaborateurs portaient sur 1 099 patients. Ils indiquent que sur 173 patients ayant développé une forme sévère de la maladie Covid-19, 16,9 % étaient fumeurs. Sur 926 patients atteints par la forme non sévère de la maladie figuraient 11,8 % de fumeurs. Lorsqu’on s’intéresse au critère principal de gravité (prise en charge en soins intensifs, ventilation assistée ou décès), le nombre de fumeurs est de 25,8 %, bien plus élevé que chez ceux qui ne correspondent pas à ce critère de gravité (parmi lesquels ne figurent que 11,8 % de fumeurs).

De leur côté, Wei Liu et ses collaborateurs ont montré dans leur étude menée sur 78 patients que le tabagisme est un facteur de gravité de la maladie (rapport de cotes ou odds ratio OR=14,3) dans un modèle d’analyse multivariée.

Le 25 mars 2020, la Société Francophone de Tabacologie a publié un communiqué de presse intitulé « coronavirus/Covid-19 et tabagisme : l’importance de l’arrêt du tabac ». Elle cite ces deux études chinoises, précisant le rôle du tabagisme dans l’évolution de la maladie et indiquant que ces résultats descriptifs qui ne portent que sur un faible nombre de cas ne permettent pas de tirer des conclusions fermes.

Toutefois, en sachant que le tabagisme est un facteur de risque majeur des maladies broncho-pulmonaires et des infections, ces résultats ne peuvent pas être ignorés.

Attention au cercle vicieux

Le confinement génère du stress, qu’il soit lié à la maladie elle-même, à l’angoisse liée au risque d’être atteint par ce virus invisible, ou à celle liée aux conséquences sur le plan professionnel ou familial, etc. Cette situation majore la dépendance psychologique des fumeurs : « je fume parce que je suis stressé, je ne me sens pas bien, je suis anxieux » et « lorsque je fume, je me sens mieux, plus détendu ».

Le fait d’avoir fumé une cigarette ne règle pas le problème, puisque le facteur déclenchant reviendra, et avec lui l’envie de fumer une autre cigarette. Se met alors en place le cercle vicieux que nous connaissons bien en tabacologie :

situation déclenchante → émotion → pensée automatique → comportement → conséquences.

Détaillons les différentes phases qui vont se succéder :

  • la situation déclenchante : je suis confiné chez moi, j’entends de nombreuses informations à la radio, à la télévision, sur les réseaux sociaux concernant l’évolution de la maladie du coronavirus, les conditions de travail difficiles du personnel dans les hôpitaux et dans les Ehpad, les enfants qui ne peuvent pas sortir et sont difficiles à gérer dans un espace restreint, etc. ;
  • l’émotion que je ressens : l’anxiété, la peur, la colère montent :
  • la pensée automatique : je me sens inutile, je suis énervé et une cigarette va me calmer, elle va m’aider à penser, à me concentrer ;
  • le comportement : je fume une cigarette ;
  • les conséquences : je me sens plus calme, plus relaxé, la tension retombe, je respire mieux, je me sens moins oppressé.

Le cercle vicieux bien connu des tabacologues. Philippe Arvers

Et rapidement, une nouvelle situation déclenchante va relancer ce cercle vicieux. En confinement, la consommation de tabac va donc être importante, probablement plus fréquente au cours de la journée.

Point important à souligner : le confinement a des conséquences pour les fumeurs (de tabac et/ou de cannabis) et chez les vapoteurs, non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leur entourage, confiné dans le même espace.

Briser le cercle

Comment modifier ce comportement ? Les thérapies cognitives et comportementales ont toute leur place ici. En se focalisant sur cette dépendance psychologique, des solutions existent, adaptées à chacun. Le but est de sortir du cercle vicieux pour entrer dans un cercle vertueux, un cercle constructif !

Il est pour cela nécessaire de modifier l’un ou plusieurs éléments dudit cercle vicieux :

  • s’il est, dans le cas du confinement, difficile de supprimer la cause déclenchante, se soustraire au flux d’informations en évitant de consulter les médias plusieurs fois par jour est possible ;
  • la gestion des émotions peut être améliorée de diverses façons : exercices respiratoires, yoga, sophrologie, méditation pleine conscience, psychologie positive sont utiles et efficaces ;
  • la lutte contre les pensées automatiques est importante. Il faut analyser ses croyances (« non, une cigarette ne peut pas me calmer, mais il faut que je fasse des exercices respiratoires, de la cohérence cardiaque »), se méfier aussi des #FakeNews qui circulent et leur opposer une réalité objective ;
  • adopter des comportements alternatifs : au lieu de fumer, prendre un verre d’eau, par exemple ;
  • enfin, examiner les conséquences de ces changements et les noter par écrit, car ce sont des éléments de renforcement positif. Or il est important de renforcer le sentiment d’efficacité personnelle.

Sortir de cet engrenage en arrêtant de fumer

Le meilleur comportement alternatif durable, est bien entendu l’arrêt du tabac. Plus facile à dire qu’à faire, me direz-vous. Oui, mais c’est possible, même si ce n’est pas la première fois que vous vous y essayez. En outre, le fait d’être accompagné double les chances de réussite.

La dépendance nicotinique sera gérée avec un apport de nicotine suffisant pendant un délai suffisant (au moins trois mois), à l’aide de substituts nicotiniques (patchs et formes orales) et par la vape. La dépendance psychologique sera gérée grâce aux exercices respiratoires, à la cohérence cardiaque qui permet de s’accorder du temps pour respirer différemment et sans s’intoxiquer, pendant 5 minutes 3 fois par jour. Il existe pour cela des applications sur smartphone comme RespiRelax+, par exemple. Enfin, la dépendance comportementale sera gérée en mettant en place divers comportements alternatifs tout au long de la journée.

Il faut garder à l’esprit que le système de récompense de notre cerveau va être sollicité, avec pour conséquence le risque que survienne l’envie de consommer de l’alcool. En cette période de confinement, les apéros virtuels ou non reviennent à la mode, au risque de rompre une abstinence ou une réduction de consommation mise en place depuis plusieurs mois ou années.

La vigilance est donc de mise, et il ne faut pas hésiter à évaluer sa consommation en se référant aux seuils établis par Santé publique France : 2 verres par jour au maximum, 5 jours par semaine au plus.

Cette période de confinement, qui selon toute vraisemblance est encore loin de se terminer, constitue malgré tout une occasion inédite s’il en est de faire le point sur sa consommation de tabac et de choisir d’arrêter de fumer, pour sa santé et celle de ses proches.

Auteur : Philippe Arvers

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.