Bien que la consommation de tabac semble globalement en baisse, le tabac reste l’une des premières causes de mortalité et morbidité évitables dans le monde aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Par ailleurs, il existe des spécificités de consommation entre les deux sexes. Par exemple dans certaines études les femmes semblent fumer des cigarettes moins concentrées en nicotine mais sont plus dépendantes à la nicotine, et ont plus de difficulté à arrêter le tabac. Forts de ces observations, et étant donné que la progestérone est de plus en plus étudiée dans les addictions aux substances, les chercheurs se sont demandé quel impact pouvait avoir le cycle menstruel dans les tentatives de sevrage tabagique. En effet, selon la phase du cycle, la sécrétion de progestérone est différente. Plusieurs études ont été réalisées dans ce domaine mais il semble difficile de valider une quelconque hypothèse du fait de divergences et biais méthodologiques entre et dans les études.
Dans l’étude présentée, 216 volontaires hommes et femmes du Minnesota, fumeurs quotidiens et désireux de faire un sevrage, ont été divisés en deux groupes mixtes. L’un des groupes a reçu pendant 12 semaines après l’arrêt du tabac de la progestérone (200mg/jour), tandis que l’autre groupe a reçu un placebo. L’étude étant réalisée en double aveugle, ni les volontaires ni les chercheurs ne savaient lequel des deux traitements était reçu par les groupes. Plusieurs mesures ont été faites tout au long de cette période, notamment la durée de l’abstinence après l’arrêt du tabac, objectivée par des mesures biochimiques. L’hypothèse principale était que la progestérone était plus efficace que le placebo pour maintenir l’abstinence (mesure la 4è, 8è et 12è semaine). L’hypothèse secondaire était qu’il existait une corrélation entre les symptômes de sevrage ou la durée de l’abstinence et le taux de progestérone sanguin.
Il a été constaté que les femmes du groupe recevant la progestérone avaient une période d’abstinence significativement plus longue que les femmes recevant le placebo. Les résultats ne montraient en revanche aucune différence chez les hommes des deux groupes pour ce même paramètre. L’étude n’a pas non plus mis en évidence de corrélation entre le taux de progestérone et les symptômes de sevrage ou même la durée de l’abstinence. Plusieurs limitations de cette étude sont exposées par les auteurs : échantillon de population trop petit, pas de vérification biochimique systématique pour s’assurer que l’abstinence est réelle, et proportion importante de femmes en péri-ménopause.
Les auteurs concluent en disant que l’arrêt du tabac en phase lutéale (phase de sécrétion de progestérone) pourrait chez la femme être couronné de plus de succès qu’un arrêt de tabac en première partie de cycle et que donner de la progestérone en post-partum pourrait éviter aux femmes de reprendre le tabac après la grossesse. Néanmoins, on pourrait se demander sur un plus long terme quelle place aurait la progestérone dans l’arsenal anti-tabac. Les produits de substitution nicotinique ont en effet une efficacité démontrée dans le sevrage tabagique et sont bien tolérés. La progestérone en revanche parait plus pourvoyeuse d’effets indésirables désagréables tels qu’une prise de poids, des nausées, des saignements menstruels irréguliers chez les femmes, une asthénie, comme cela a été le cas pour certains participants de l’étude.
Par Julia de Ternay et Benjamin Roland