L’adhésion aux soins est-elle meilleure lorsque les patients payent leur buprénorphine ?

Non, au contraire, prouve une étude parue dans Drug &; Alcohol Dependence

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Vous le savez sûrement, en psychanalyse, il faut payer le thérapeute, et en liquide… Est-ce parce que, comme l’ont proposé certains lacaniens, il faut « payer » pour avoir la « paix », ou plus prosaïquement, pour que le patient démontre ainsi, aux soignants et à lui-même, sa motivation au changement ? La question peut se poser pour tout désir de changement, en particulier tout changement de comportement. Ainsi, « se payer » un coach sportif, ou un suivi diététique, est parfois considéré par certains comme une manière de « se motiver » à un changement, et pousser le curseur vers le stade d’action du fameux cycle de Prochaska et Di Clemente[1].

Alors, pour les personnes qui consomment des opiacés, et qui sont en demande de traitements agonistes opioïdes, méthadone, et buprénorphine, la question peut aussi se poser : faut-il faire payer ces patients ? Payer les traitements et les consultations ne les motiveraient-il pas davantage dans le souhait d’arrêter ou réduire l’héroïne, et de réduire les taux d’absentéisme aux consultations ? En France, la question ne se pose pas car les consultations sont gratuites (en CSAPA) ou remboursées (chez le médecin traitant), ainsi que l’accès aux traitements (gratuit en CSAPA ou remboursé en officine de ville). Aux USA, le système est différent, et le taux de remboursement est très variable d’une mutuelle à l’autre.

À l’aide d’une base de données de santé et de remboursements, les auteurs de cette étude parue dans Drug & Alcohol Dependence ont évalué dans quelle mesure la participation financière des patients à leur prise en charge a positivement ou négativement contribué à leur évolution clinique et à leur adhésion aux soins au cours du suivi. Ainsi, plus de 6 000 adultes âgés de 18 à 64 ans, ayant commencé un traitement par buprénorphine entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2017. Des modèles de régression ont analysé le lien entre taux de participation financière du patient, et rétention en soins. Les résultats montrent qu’une augmentation de participation personnelle de 1 $ par jour s’accompagnait d’une diminution de 12 à 14 % de la rétention, et d’une augmentation de 5 à 8 % du nombre de jours au cours desquels le patient n’était pas traité par buprénorphine. 

Cette étude semble donc montrer que la participation financière directe des patients à leur prise en charge médicale, dans le cadre d’un traitement par buprénorphine, non seulement ne contribue pas à leur niveau d’implication dans le suivi, mais au contraire nuit à cette implication, en réduisant le taux d’adhésion aux soins et la couverture par le traitement pharmacologique. Cette étude est donc importante car elle bat en brèche un présupposé tenace, non pas trop en addictologie, mais chez certains acteurs de santé publique qui estiment que les patients devraient payer. Parfois, cette position tient aussi à la question de l’utilisation de l’argent public pour soigner des comportements jugés déviants. L’argument est alors sensiblement différent, mais il est aussi difficile à entendre, car il faudrait dans ce cas l’appliquer à toutes conséquences de santé d’un comportement nocif de santé, et faire alors payer, par exemple, les soins d’infarctus pour les personnes qui fument ou qui ont un régime alimentaire trop gras, ou bien faire payer les soins d’un cancer du poumon pour les fumeurs actuels ou anciens.

Ici, on voit au contraire que la gratuité des soins est un important facteur de maximisation de l’accès aux soins et de maintien dans les soins et de bonne couverture par le traitement par buprénorphine. Encore un résultat scientifique en faveur du modèle français en somme 

Par Benjamin Rolland

[1] À ce sujet, savez-vous qu’il y en fait un troisième nom associé à la publication de référence ? Un nom oublié par l’histoire. Saurez-vous le retrouver ?

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