
Pour de nombreuses femmes, tomber enceinte peut être un parcours frustrant et stressant, rempli de questions sans réponse. Certaines se tournent vers le cannabis pour les aider à gérer ce stress, mais une nouvelle étude établit un lien entre la consommation de cette substance psychoactive et les problèmes de fertilité chez les femmes participant à un programme de fécondation in vitro (FIV).
« Certaines personnes pensent que c’est une plante, que c’est naturel, et donc que ce n’est pas aussi risqué que d’autres drogues », explique Cyntia Duval, embryologiste clinique au CReATE Fertility Center de Toronto et autrice principale de l’étude. « Je pense que les femmes doivent savoir comment cela peut potentiellement affecter leurs ovocytes », c’est-à-dire les cellules immatures destinées à devenir des ovules.
Publiée le 9 septembre 2025 dans Nature Communications, l’étude fait partie des premières à examiner les liens entre cannabis et fertilité féminine. On ne sait pas encore exactement comment cela se manifeste dans le corps, si les diverses formes de cannabis présentent des risques différents, ni à quel point la substance est nocive dans un contexte de grossesse, comparée à d’autres drogues connues pour leur dangerosité, comme l’alcool.
THC et fécondation In vitro
L’équipe de Cyntia Duval a suivi des patientes en parcours de fécondation in vitro (FIV) : des donneuses d’ovocytes et des femmes recevant leurs propres ovocytes. Les chercheurs ont utilisé les sous-produits du processus pour comprendre comment la maturation des ovocytes était affectée en présence de tétrahydrocannabinol (THC), le principal composé psychoactif du cannabis responsable de l’effet planant.
Ils ont d’abord examiné le liquide folliculaire, qui entoure les ovocytes. Plus la concentration de THC (et de ses métabolites) était élevée, plus vite les ovocytes arrivaient à maturité. Or, si tous les ovocytes doivent atteindre la maturité pour devenir des ovules, un rythme de maturation perturbé peut provoquer des anomalies de développement : moins d’embryons présentaient le bon nombre de chromosomes chez les patientes ayant du THC dans leur liquide folliculaire. Ces embryons sont rarement implantés lors d’une FIV, et lorsqu’ils le sont, ils aboutissent souvent à une fausse couche ou une mortinaissance.
Les chercheurs ont aussi étudié directement des ovocytes immatures, habituellement écartés au cours du processus de FIV. Exposés à des niveaux de THC équivalents aux taux moyens et élevés observés chez les participantes, les résultats étaient similaires : les chromosomes se divisaient plus difficilement.
Cependant, il reste impossible de prouver un lien direct entre THC et anomalies de maturation. Bien que de nombreuses participantes à l’étude clinique soient de jeunes donneuses, certaines patientes de FIV étaient plus âgées, ce qui peut aussi influencer les taux de maturation.
Cyntia Duval insiste sur le fait que ces résultats ne signifient pas qu’il est impossible de tomber enceinte quand on fume ou prend du cannabis : « Si les années 1970 nous ont appris quelque chose, c’est qu’on peut tomber enceinte en étant défoncée », relève-t-elle avec humour. « La vraie question, c’est comment le cannabis impacte directement l’ovocyte. C’est l’une des cellules les plus précieuses et uniques du corps, et aussi la plus difficile à étudier, à mon avis. »
Ce que l’on sait
Malgré ses limites, l’étude enrichit un domaine d’études où les données sont rares. Très peu de recherches ont été menées sur les ovocytes exposés au cannabis, et encore moins sur des ovocytes humains. Les études réalisées sur des ovocytes de vache ou de souris ont donné des résultats mitigés, sans examiner les métabolites du THC en plus du composé lui-même.
Chez les hommes, les résultats vont dans le même sens : les consommateurs de cannabis sont généralement moins fertiles. Une étude a montré que les hommes fumant du cannabis plus d’une fois par semaine présentaient une baisse de 29 % du nombre de spermatozoïdes par rapport aux non-consommateurs. D’autres études ont également révélé davantage de spermatozoïdes malformés.
« J’ai trouvé beaucoup d’informations sur l’impact du cannabis sur la fertilité masculine ou sur la grossesse, mais presque rien sur la fertilité féminine, à part dans des modèles animaux », regrette Cyntia Duval.
La raison pour laquelle il existe plus d’études sur le THC et la fertilité masculine est que c’est simplement un domaine plus facile à étudier. Même si les hommes ont des taux d’infertilité légèrement plus bas comparés aux femmes, tester du sperme est bien moins invasif que le prélèvement d’un ovocyte.
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