Le cannabis entraîne-t-il un "glissement vers des drogues plus dures", comme l'affirme Emmanuel Macron ?

Les spécialistes des addictions contactés par franceinfo dénoncent les "représentations passéistes et fausses" du chef de l'Etat.

Cannabis

« Dire que le haschisch est innocent est plus qu’un mensonge. » Emmanuel Macron a évoqué la consommation de cannabis dans un entretien au Figaro publié dimanche 18 avril. Au milieu de cette interview centrée sur la sécurité, le chef de l’Etat mentionne cette drogue pour parler de délinquance et de crime organisé.

Le président fait également cette remarque sur le parcours des consommateurs de cannabis : « Je ne parle même pas des effets de glissements vers des drogues plus dures. » Le locataire de l’Elysée a-t-il raison d’affirmer que le cannabis ouvre la voie à d’autres substances ? Franceinfo a interrogé des addictologues.

Le schéma selon lequel le cannabis est un passage vers des drogues plus dures est appelé théorie du « gateway », de « l’escalade », du « tremplin » ou encore de la « porte d’entrée ». Elle a été élaborée « lors de la première moitié du XXe siècle par les autorités américaines », expliquait Le Figaro en 2015. Elle a ensuite été portée par des recherches de la neurobiologiste américaine Denise Kandel en 1975. Emmanuel Macron relaie de « vieilles corrélations » établies dans les années 1970 et 1980, observe Alain Morel, psychiatre, spécialiste des addictions, et directeur général de l’association Oppelia. On retrouvait en effet, à l’époque, du cannabis et de l’héroïne dans le parcours de consommation des jeunes.

« A l’écouter, on dirait qu’il ne s’est rien passé » dans la médecine, la recherche et la prise en charge des patients, juge Amine Benyamina, médecin au service d’addictologie de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. Car depuis les années 1970, d’autres scientifiques se sont intéressées au sujet et ont contredit cette théorie. Le débat est en effet clos depuis de longues années, assure-t-il.

« Aucune étude ne prouve la théorie de ‘l’escalade’, c’est-à-dire que l’on commence par du cannabis et que l’on devient héroïnomane », corrobore Amine Benyamina. Cette théorie est d’ailleurs si obsolète qu’« il n’y a presque plus personne [parmi les chercheurs] qui travaille vraiment là-dessus », souligne Alain Morel.

On en retrouve toutefois une trace dans le magazine américain The Atlantic (en anglais) qui rapportait, en 2015, les résultats d’un sondage mené en 2012 aux Etats-Unis. Selon les données recueillies, 65% des consommateurs de cannabis ont d’abord essayé l’alcool et 40% des personnes ayant testé le cannabis ne testeront pas d’autres drogues par la suite.

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