Le recours à des cigarettes faiblement dosées en nicotine permet-il de mieux soutenir la politique de réduction des risques liés au tabac aux USA ? Une étude publiée dans Tobacco Control.

La Food and Drug Administration (FDA) a annoncé récemment un nouveau cadre de contrôle du tabac qui inclut une politique de réduction du taux de nicotine pour les cigarettes. En imposant que toutes les cigarettes vendues au Etats-Unis aient des taux minimum en nicotine, moins d’adolescents deviendront des fumeurs à l’âge adulte et les fumeurs actuels seront plus nombreux à arrêter de de fumer.

Tabac

Si cette politique était mise en place en 2020, la FDA estime que 5 millions de fumeurs arrêteraient de fumer dès la première année et près de 2.8 millions de décès liés au tabac seraient évités en 2060.

Les objectifs de cette étude est d’examiner les effets de 6 semaines d’utilisation de cigarettes à faible taux de nicotine (CFTN) parmi des fumeurs américains de tabac sur le soutien à la politique de réduction du taux de nicotine et de déterminer si les caractéristiques personnelles et les réponses sur les CFTN étaient associées au soutien.

3 hypothèses ont été testées :

(1) les participants qui utilisent des cigarettes CFTN devraient rapporter moins de soutien pour cette politique, comparés à ceux qui utilisent leur tabac habituel ;

(2) les participants qui classent les cigarettes CFTN moins satisfaisantes devraient moins adhérer à ce protocole de cigarettes CFTN, et ceux qui les perçoivent comme peu/très peu dosées en nicotine devraient être moins nombreux à soutenir cette politique, et

(3) les femmes, les minorités raciales, un faible niveau éducatif, ceux qui envisagent arrêter de fumer et ceux qui perçoivent les cigarettes comme plus dangereuses devraient être plus nombreux à soutenir cette politique.

360 personnes ont participé à cette étude randomisée contrôlée, et ont reçu pendant 6 semaines soit leur tabac habituel (TH), soit des cigarettes CFTN (0,4 mg nicotine/g).

À l’inclusion, ils ont répondu à la question : « Soutiendriez-vous ou au contraire vous opposeriez-vous à une loi qui réduirait la quantité de nicotine dans les cigarettes ? »

À l’inclusion et au bout des 6 semaines, ils ont répondu aux questions suivantes :

« Etes-vous satisfait de vos cigarettes ? » (de « pas du tout » à « tout à fait »)

« Comment percevez-vous les risques pour la santé liés au tabac ? » (de « très faibles » à « très élevés »)

A la fin de l’étude, ils ont répondu à la question suivante : « Pensez-vous que le taux de nicotine des cigarettes est : très bas/bas/élevé/très élevé ?»

 

Le soutien à la politique de réduction du taux de nicotine ne diffère pas statistiquement (test du chi2 2ddl p=0,42) entre les 2 groupes (CFTN et cigarettes habituelles) la fin de l’étude (S6) :

50% soutiennent, 26% s’y opposent et 24% ne savent pas, dans le groupe CFTN, et

55% soutiennent, 20% s’y opposent et 25% ne savent pas, dans le groupe TH.

 

L’adhésion à cette politique de réduction du taux de nicotine évolue différemment dans les 2 groupes (différence statistiquement significative : test du chi2 2 ddl p = 0,01) :

Parmi ceux qui soutenaient cette politique dans le groupe CFTC à l’inclusion, ils sont 69% à la soutenir à S6, 15% à s’y opposer et 16% « ne savent pas » ;

Parmi ceux qui ne soutenaient pas cette politique dans le groupe TH à l’inclusion, ils sont 78% à la soutenir à S6, 6% à s’y opposer et 16% « ne savent pas ».

La prise en compte des différents facteurs d’ajustement, dans un modèle de régression logistique, montre que seuls les sujets plus âgés (OR = 1,24) et ceux qui désiraient arrêter dans les 6 mois (OR = 5,05) sont plus nombreux à soutenir cette politique à 6 mois.

Que retenir de cet article ? La FDA veut rendre les cigarettes moins addictives en diminuant le taux de nicotine, pour permettre aux fumeurs d’être moins « dépendants » de » cette drogue.

Un gros oubli dans cette étude : la mesure du CO dans l’air expiré, à l’inclusion et à 6 semaines : en effet, lorsque l’organisme ne reçoit plus sa dose de nicotine, les récepteurs nicotiniques déjà désensibilisés ne sont plus saturés (en nicotine). La conséquence, ce que les tabacologues connaissent bien, c’est le phénomène d’autotitration. Le fumeur va inhaler plus souvent, plus profondément la fumée de tabac (souvent inconsciemment) pour recevoir la quantité de nicotine nécessaire pour ne pas être en manque. Lorsque nos patients, dans une démarche qu’il ne faut pas écarter, nous disent qu’ils réduisent le nombre de cigarettes fumées, qu’ils passent du tabac à rouler aux cigarettes classiques, il faut suivre le taux de CO dans le temps. On constate ainsi que, malgré la démarche de réduction de consommation de tabac, le taux de CO reste stable, alors qu’il devrait diminuer. Un traitement de substitution nicotinique (TNS) permettra d’apporter la quantité nécessaire de nicotine, sans shoot de nicotine (présent avec la fumée inhalée), en privilégiant la voie transdermique (patchs) associée aux formes orales, à la demande.

Proposer des cigarettes moins fortement dosées en nicotine (CFTC) ne fera qu’augmenter leur consommation en tabac, pour maintenir une nicotinémie constante, avec plus de CO, de substances cancérogènes et irritantes.

Ce n’est donc pas la bonne solution, et on sait qu’une consommation réduite de tabac (1 à 10 cigarettes par jour) n’est pas bénéfique pour la santé des fumeurs.

Philippe Arvers

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