Vapotage : 8 Français sur 10 ne savent toujours pas que vapoter est moins risqué que fumer*

Les directives de santé publique contradictoires ont un effet néfaste sur les perceptions des fumeurs et des vapoteurs des méfaits de la cigarette électronique. Le point avec le Dr Philippe Arvers, addictologue-tabacologue. *source : association SoVape - 2022

Tabac
Objectif Au Royaume-Uni, seulement 38 % des fumeurs pensent avec précision que les cigarettes électroniques sont moins nocives que les cigarettes et les croyances selon lesquelles les cigarettes électroniques sont aussi nocives ou plus nocives que les cigarettes sont en augmentation (1). Ces perceptions erronées constituent un obstacle à l’utilisation de la cigarette électronique chez les fumeurs actuels (2). En France, l’association SOVAPE a questionné les français sur la perception des risques entre vapoter ou fumer (3) en 2022. Les réponses sont édifiantes :
  • 8 Français sur 10 ne savent toujours pas que vapoter est moins risqué que fumer ;
  • 6 Français sur 10 pensent même que vapoter n’est pas moins dangereux que fumer ;
  • La part des Français qui savent que vapoter est moins risqué que fumer est en baisse continue depuis 4 ans (- 6 % dont une chute brutale de 5 % entre 2021 et 2022) ;
  • 1 Français sur 4 doute et ne se prononce pas, en très forte augmentation (+ 9 % en 4 ans) ;
  • 8 Français sur 10 pensent que la nicotine est cancérigène.
L’impact de l’exposition expérimentale à des informations contradictoires sur la cigarette électronique sur les perceptions des méfaits de la cigarette électronique a reçu peu d’attention, et celle qui a été menée ne s’est pas concentrée sur les fumeurs. Madeleine Svenson et collaborateurs, de l’université de Bath au Royaume-Uni, viennent de publier une étude dans Nicotine & Tobacco Research, explorant l’impact des informations de santé publique contradictoires sur les perceptions des fumeurs et des vapoteurs des méfaits de la cigarette électronique. Méthode Les auteurs ont recruté 714 personnes sur une plateforme d’études en ligne (Prolific Academic) répondants aux critères suivants :
  • être âgé de 18 ans ou plus,
  • être résident britannique,
  • soit des fumeurs quotidiens, qui avaient vapoté moins de 20 fois dans leur vie,
  • ou ceux qui vapotent quotidiennement et n’ont pas précisé leur statut de fumeur.
Une échelle de perception du risque de vapoter a été utilisée, avec les 5 items suivants (échelles de 0 à 100, de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ») :
  • « les cigarettes électroniques sont nocives »,
  • « les cigarettes électroniques sont moins nocives que les cigarettes combustibles »,
  • « les cigarettes électroniques sont un outil utile pour les personnes qui veulent arrêter de fumer »,
  • « Il existe des preuves scientifiques convaincantes que les e-cigarettes sont sans danger » et,
  • « Il existe des preuves scientifiques convaincantes que les e-cigarettes sont plus sûres que de fumer ».
La cohérence interne était élevée (α de Cronbach = 0,83), permettant d’avoir une valeur comprise entre 0 (absence totale de risque de vapoter) et 100 (risque majeur de vapoter). Après avoir répondu à ces 5 questions, ils étaient répartis en 4 groupes (702 personnes), et il leur était demandé : « sur la base uniquement des informations que vous lisez et non de vos opinions personnelles, diriez-vous que le point de vue des organismes de santé publique sur les cigarettes électroniques est » :
  • les cigarettes électroniques sont moins nocives que les cigarettes (groupe 1 : 174 individus) ;
  • les cigarettes électroniques sont nocives (groupe 2 : 176 individus) ;
  • est contradictoire sur la nocivité des cigarettes électroniques et les cigarettes sont nocives (groupe 3 : 176 individus) ;
  • est contradictoire sur la moindre nocivité des cigarettes électroniques par rapport aux cigarettes (groupe 4 : 176 individus)
Résultats Il y avait 334 fumeurs exclusifs (non-vapoteurs), avec 49% de femmes, d’âge moyen 38,7 ans et 368 vapoteurs avec 50% de femmes et d’âge moyen comparable (38,6 ans). Dans chacune des 4 conditions définies ci-dessus, l’échelle de perception du risque de vapoter est toujours plus élevée parmi les fumeurs exclusifs que parmi les vapoteurs. Cette échelle de perception du risque de vapoter est la plus élevée pour le groupe 2 (nocivité des cigarettes électroniques), suivie par le groupe 3 (risque de fumer + discours contradictoire), le groupe 4 (discours contradictoire sur la cigarette électronique). Cette échelle de perception du risque de vapoter est la plus basse pour le groupe 1 (moindre nocivité des cigarettes électronique, réduction de risque). Cette étude expérimentale démontre qu’une brève exposition à des informations négatives ou contradictoires des instances de santé publique augmente la perception des risques de la cigarette électronique des fumeurs et des vapoteurs par rapport aux informations sur la réduction des risques. Les perceptions accrues des risques de la cigarette électronique sont problématiques car ils peuvent décourager l’utilisation de la cigarette électronique chez les fumeurs (2). On peut penser que l’avis du Haut conseil de la santé publique sur la vape publié l’an dernier (pas de recommandation du recours à la vape pour les professionnels de santé) aura peut-être influencé des fumeurs prêts à quitter leur tabagisme en passant à la vape. Les données publiées en 2022 par Santé publique France (4) montrent que la prévalence du tabagisme a augmenté entre 2019 et 2021 parmi les femmes (de 20,7% à 23,0%) et parmi les personnes n’ayant aucun diplôme ou un diplôme inférieur au baccalauréat (de 29,0% à 32,0%). Dr Philippe Arvers (1,2,3) 1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA) 2 – 7ème Centre Médical des Armées (76ème Antenne médicale de Varces) 3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon) Références bibliographiques 1 Perski O, Beard E, Brown J. Association between changes in harm perceptions and e-cigarette use among current tobacco smokers in England: a time series analysis. BMC Med. 2020;18(1). 2 Brose LS, Brown J, Hitchman SC, McNeill A. Perceived relative harm of electronic cigarettes over time and impact on subsequent use. A survey with 1-year and 2-year follow-ups. Drug Alcohol Depend. 2015;157:106–111. 3 SOVAPE. Enquête réalisée auprès d’un échantillon de Français interrogés par Internet du 24 au 25 août 2022. Echantillon de 1000 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Site SOVAPE. 4 Pasquereau A, Andler R, Guignard R, Gautier A et al. Prévalence nationale et régionale du tabagisme en France en 2021 parmi les 18-75 ans, d’après le Baromètre de Santé publique France. Bull Épidémiol Hebd. 2022;(26):470-80.