Les addictions au temps du Coronavirus

Un petit billet d'humeur du Pr Reynaud après plus d'une semaine de confinement.

Toutes les addictions

Image par Social Butterfly de Pixabay

Dans un premier temps, les addictions, ceux qui en souffrent et ceux qui les soignent, ont été oubliés dans les réflexions,  décrets et préconisations.

Voici quelques exemples :

  • Les recommandations de conseil de santé publique du 16 mars présentaient une liste des personnes à risque de développer des formes sévères. Les addicts n’y apparaissent pas et pourtant, on retrouve chez eux la plupart des pathologies listées (troubles cardio-vasculaires, pathologies chroniques respiratoires, cancers, cirrhoses). Mais il n’est pas venu à l’idée des rédacteurs qu’il fallait une réflexion globale sur les addictions.
  • Ceux qui soignent les addictions étaient également oubliés, en particulier les acteurs du médico-social qui ont été livrés à eux-mêmes. Sans masque protecteur, sans gel hydroalcoolique mais avec leur mobilisation et leur humanité, des éléments de solutions ont pu être trouvés : organisation des consultations et de l’espacement adapté à chaque situation, mise en place de téléconsultations…
  • Oubli des particularités des traitements des patients addicts. Heureusement est paru le 19 Mars un décret autorisant la délivrance de méthadone et de buprénorphine en renouvelant les dernières ordonnances, comme pour les autres pathologies chroniques.
  • Les acteurs de la réduction des risques ont dû proposer seuls une adaptation des pratiques à moindres risques : bien évidemment il ne faut pas partager les cigarettes, les verres et les canettes (non l’alcool ne protège pas du Coronavirus !), les joints, les pipes…
  • Si vous sniffez, nettoyez bien les surfaces pour préparer les lignes et ne partagez pas l’équipement pour sniffer
  • Et non la cocaïne ne tue pas le Coronavirus !
  • Pour les opioïdes et drogues injectables, lavez-vous plusieurs fois les mains, utilisez du matériel à usage unique et n’oubliez pas qu’il sera difficile de vous approvisionner en produits illicites…
  • Et, puisque l’on parle de l’accessibilité du produit, si les cavistes et buralistes sont restés ouverts, les boutiques de vapes n’ont obtenu qu’en fin de semaine la même autorisation : encore quelques progrès à faire…

Mais surtout il n’y a pas eu de réflexion globale sur les fragilités et risques propres de la population des addicts.
Plusieurs publications ont mis en valeur les risques psychologiques voire psychiatriques du confinement : irritabilité, anxiété mais aussi de véritables dépressions et un vécu de stress important lié à la contrainte et l’enfermement. Voir notamment à ce sujet l’édito du NEJM que nous avons traduit.

Il est difficile d’en parler mais on ne peut pas faire l’impasse sur les tensions inhérentes à un huis-clos familial. Il ne faut donc pas se cacher que le confinement peut entraîner une résurgence des violences conjugales et familiales qui seront forcément amplifiées par une consommation de produits.

Il va falloir que des structures comme le 3919 répondent à la demande et surtout facilitent une action concrète. Pour les souffrances et les violences faites aux enfants, rappelons que notre partenaire « e-enfance » a organisé sa réponse téléphonique. Le service est accessible par le 0800 200 000 et www.netecoute.fr du lundi au vendredi de 09h00 à 20h00 et le samedi de 09h00 à 18h00

Est-il nécessaire de préciser qu’à ce malaise persistant les personnes addictes ont une réponse toute trouvée… Et il suffit hélas de lire les posts de Sandra Pinel (infirmière et patiente experte en addictologie) et de Françoise Gaudel (Tabacologue, Présidente de France Patients Experts Addictions) qui reçoivent de plein fouet sur leurs deux groupes Facebook les émotions et l’angoisse de leurs membres.