Les Infirmiers de pratique avancée en psychiatrie et santé mentale : un nouveau métier et de nouveaux rôles dans les soins en addictologie.

Toutes les addictions

Les IPA arrivent ! Cette profession est définie par un diplôme universitaire conférant le grade de Master (Bac + 5) délivré par les universités, ce qui correspond à 2 années d’études supplémentaires pour un/une infirmière « classique » dont le diplôme correspond à un niveau License L3. Les premières promotions ont été diplômées en juin 2019. Le contenu de l’enseignement est précisé dans le décret du 12 août 2019 (1) qui définit les connaissances et les compétences que doivent acquérir les IPA en psychiatrie et en santé mentale.

A la lecture du décret, on s’aperçoit que les compétences acquises sont très larges, ce qui permet d’anticiper que les IPA vont avoir dans les années à venir des rôles clés dans le système de soins.

Ainsi, ils/elles pourront réaliser le suivi de patients orientés par des psychiatres, ce qui comprend le renouvellement de prescriptions et l’adaptation de posologie des antidépresseurs, des anxiolytiques, des thymorégulateurs, des psychostimulants, des antipsychotiques, et des traitements de substitution opiacés. Ils/elles pourront prescrire des examens complémentaires dans le cadre de ce suivi. Ils/elles pourront adapter le projet de soins du patient, en particulier identifier les prises en charge de réhabilitation pertinentes.

Ces champs de compétences et ces nouveaux rôles sont vastes et mal connus de la plupart des psychiatres, addictologues, infirmiers et autres acteurs du soin en addictologie.

Camille Lefebvre-Durel, IPA diplômée de l’Université de Paris en 2020, a récemment publié un article rédigé pendant sa formation dans la revue International Journal of Mental Health Nursing (2). Il s’agit d’une étude qualitative qui analyse les entretiens menés avec des soignants d’une unité de psycho-gériatrie sur les difficultés à réaliser une déprescription des benzodiazépines chez les patients âgés ayant des pathologies psychiatriques. Si les soignants interrogés sont tous conscients des effets secondaires et des risques posés par la prescription au long cours des benzodiazépines, les difficultés anticipées pour mener à bien la décroissance sont nombreuses (aggravation des symptômes psychiatriques, résistance des patients, syndrome de sevrage,..). De plus, même au sein d’une équipe réduite, il peut exister des divergences sur la perception des rôles de chaque professionnel dans l’indication ou la conduite de cette décroissance médicamenteuse. Forte de cette analyse, Camille Lefebvre-Durel propose que les IPA puissent être positionné(e)s en appui des équipes médicales et infirmières pour dépister les dépendances médicamenteuses. De plus, elles pourraient, sur orientation des psychiatres, guider les étapes de décroissance des benzodiazépines en s’appuyant sur les éléments cliniques recueillies auprès des équipes infirmières, et développer chez les infirmiers des alternatives non médicamenteuses à la prise en charge de l’anxiété ou des troubles du comportement. Cette proposition est en ligne avec des données antérieures de la littérature qui montrent que les consultations des infirmières sont plus longues que les consultations médicales et donnent lieu à moins de prescriptions médicamenteuses. Les pratiques innovantes amenées par les IPA diplômé(e)s en psychiatrie santé mentale vont permettre dès à présent d’améliorer la qualité des soins dispensés aux patients…. En attendant une éventuelle formation universitaire complémentaire spécifique en addictologie pour laquelle militent certains universitaires de psychiatrie !

 

1) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.docidTexte=JORFTEXT000038914201&categorieLien=id

2) Camille Lefebvre-Durel, Isabelle Bailly, Johanna Hunault, Ljiljana Jovic Martine Novic, Florence Vorspan, Frank Bellivier, Olivier Drunat, Sébastien Kerever. Benzodiazepine and Z drug cessation in elderly patients: A qualitative study on the perception of healthcare providers and the place of advanced practice nurses. Int J Ment Health Nurs. 2020 Dec 13. doi: 10.1111/inm.12831.