L'usage de benzodiazépines est inapproprié (hors règles de bonne prescriptio ) dans 97% des cas

Une étude parue dans European Addiction Research.

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Les benzodiazépines sont les psychotropes les plus prescrits au monde, principalement en raison de leurs propriétés anxiolytiques. Malgré des indications limitées (p.ex. : le traitement du syndrome de sevrage de l’alcool), elles sont fréquemment prescrites en dehors des recommandations de bonnes pratiques, que ce soit en termes de durée de traitement, de posologie ou d’associations de plusieurs molécules. Pourtant, cet usage inapproprié est associé à des risques augmentés d’effets indésirables comprenant à court terme les risques de chutes et d’accidents, et à plus long terme, les risques de dépendance, de troubles cognitifs et de majoration de symptômes dépressifs. L’usage chronique de benzodiazépines pourrait également être associé à des risques augmentés de maladie d’Alzheimer et de certains cancers. Il est difficile d’évaluer la prévalence de l’usage de benzodiazépines en population générale ainsi que la fréquence de prescriptions inappropriées car les données déclaratives sont souvent peu fiables. Il faudrait par exemple se souvenir avoir pris de façon continue sur une période de plusieurs semaines un médicament de la famille des benzodiazépines alors qu’il existe une dizaine de molécules différentes et différents noms commerciaux. Il est donc important de recourir à des stratégies de recueil objectif pour évaluer l’ampleur du problème et l’efficacité des actions de santé publique.

 

L’Espagne fait partie des pays de l’Union Européenne dans lesquels la consommation de benzodiazépines est particulièrement élevée. Le système d’ « e-prescription » développé en Catalogne permet d’enregistrer plus de 97% de toutes les prescriptions effectuées dans cette région. Cela permet d’estimer la consommation de benzodiazépines en basant sur des indicateurs objectifs et de repérer  le volume de prescriptions inappropriées. Ainsi le 08 novembre 2016, toutes les prescriptions de benzodiazépines effectuées à Barcelone ont été collectées.

Les critères pour définir une prescription inappropriée étaient : une durée de traitement de plus de 3 mois consécutifs, une posologie excessive et une prescription de plusieurs benzodiazépines.

Quels sont les résultats de cette analyse ?

9,8% de la population de Barcelone avaient une prescription de benzodiazépines en cours à cette date. Parmi ces prescriptions 96% étaient inappropriées en raison d’une trop longue durée de prescription avec plus de 87% d’entre elles qui se poursuivaient depuis plus de 6 mois. Ainsi, les auteurs concluent qu’une personne sur onze à Barcelone présentait un usage inapproprié des benzodiazépines.

Les femmes ainsi que les patients âgés étaient plus à risque de présenter un usage inapproprié de benzodiazépines, avec plus de 15% des patients qui avaient plus de 85 ans. Ces prescriptions émanaient majoritairement de médecins généralistes (58%) puis de psychiatres (12%). Parmi toutes ces prescriptions, 96% étaient inappropriées. Cela représentait en moyenne 36 prescriptions inappropriées par praticien durant les 12 derniers mois.

 

Ces résultats sont consistants avec la prévalence très élevée de l’usage chronique de benzodiazépines en population générale dans les pays occidentaux. En France, environ 3% des hommes et 4% des femmes utiliseraient des benzodiazépines pendant plus de 3 mois consécutifs, et ce malgré les multiples alertes des autorités sanitaires qui ont été effectuées ces dernières années. Comme dans l’étude espagnole, les sujets les plus vulnérables aux effets indésirables des benzodiazépines étaient paradoxalement ceux qui étaient le plus à risque d’en présenter un usage inapproprié. L’étude espagnole vient donc s’ajouter à toutes les études antérieures ayant déjà fait état de l’ampleur de cette problématique dans différents pays européens ainsi que dans les pays nord-américains. La lutte contre l’usage inapproprié de benzodiazépines constitue donc un enjeu de santé publique à l’échelle européenne et des actions coordonnées pourraient être conduites, notamment pour : – diffuser des messages d’information et de sensibilisation auprès du grand public sur les risques liés à l’usage inapproprié de ces traitements; – développer la formation des médecins généralistes sur les alternatives thérapeutiques dans la prise en charge de l’anxiété et des troubles du sommeil et améliorer la prise en charge de la dépendance aux benzodiazépines; – favoriser la collaboration et le rôle des pharmaciens dans le repérage et la prévention de l’usage inapproprié.

 

Arthur Rakover (Paris) et Guillaume Airagnes

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