Ouverture de centres de soins et interventions policière ; quels effets sur la consommation de drogue injectable ? 10 ans de recul à Barcelone.

Les politiques de réduction des risques, notamment chez les usagers de drogue injecteurs, ont une efficacité démontrées mais les programmes mis en place sont parfois difficiles à évaluer alors qu’ils suscitent des réactions fortes et partagées dans l’opinion publique.

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Les politiques de réduction des risques, notamment chez les usagers de drogue injecteurs, ont une efficacité démontrées mais les programmes mis en place sont parfois difficiles à évaluer alors qu’ils suscitent des réactions fortes et partagées dans l’opinion publique. Les auteurs de cette étude espagnole ont mesuré l’impact d’un programme de réduction des risques, et d’interventions policières, sur le nombre de seringues usagées retrouvée sur la voie publique à Barcelone entre 2004 et 2014. Ils estimaient que la quantité de seringue usagées permettait d’estime l’usage récent de drogue par injection, en particulier dans la rue et qu’elle pouvait être particulièrement intéressante car associée dans le grand public à une peur de la contamination et des usagers eux-mêmes. Par ailleurs, la présence de seringue usagées sur la voie publique est associée à un risque de contamination infectieuse.

Sur la période 2004-2014, la ville de Barcelone a ouvert deux centres de réductions des risques et des dommages (destruction d’un centre d’hébergement social enclavé dans une zone de trafic important, et construction d’un centre de « bas seuil » de type CAARUD et d’un centre de délivrance de traitement de substitution aux opiacés de type CSAPA), et réalisé trois interventions policières majeures spécifiques à l’usage de drogue injectable (interpellations à grande échelle après des mois d’investigation de personnes soupçonnées de trafic). La quantité de seringues usagées collectées dans l’espace public était évalué dans les 6 districts de la ville les plus marqués par cette problématique (partie Est de la ville).

 

Sur la période d’observation de 10 ans, le nombre de seringues collectées par mois à globalement diminué de 13800 à 1655. La majeure partie de cette diminution est intervenue après la fermeture de la zone d’hébergement enclavée fortement marquée par la consommation et le trafic, et l’ouverture du centre de bas seuil. Chaque intervention a sembé participer à cette diminution. L’analyse district par district a souligné que les interventions policières étaient associées à un déplacement des consommations et des lieux de trafics (augmentation relative de la quantité de seringues dans les districts non visés par l’intervention). A l’inverse, l’ouverture des centres de réduction des risques et des dommages générait une diminution locale et globale du nombre de seringue, et cette diminution était durable. Toutefois, l’ouverture du centre de bas seuil a été associée à une augmentation à court terme du nombre de seringues dans le district concerné.

En parallèle, le nombre de seringues distribuées dans les programmes d’échange était inversement corrélé avec la quantité de seringue usagées retrouvées sur la voie publique. Le nombre de décès par overdose et de patients débutant un traitement de substitution dans les centres de réduction des risques et des dommages est resté relativement constant sur la période d’évaluation.

Les différentes interventions ont donc conduit à une diminution globale du nombre de seringues usagées sur la voie public. Cette diminution était durable lors de l’ouverture de centres de réduction des risques et des dommages, mais parfois associée à une augmentation dans les premiers temps de l’ouverture, pouvant susciter un rejet du voisinage. Les interventions policières avaient un effet plus limité, moins durable, et majoritairement lié à un déplacement des lieux de trafic et de consommation.

Par Nicolas Cabé

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