Overdoses d’opioïdes sous naltrexone : liens complexes. Une étude sur les causes d’overdose parue dans Addiction

Autres drogues

La Naltrexone est un antagoniste aux récepteurs opioïdes. En France, la naltrexone est surtout utilisée dans le traitement de l’alcoolodépendance sous le nom de Revia®. A l’étranger, la naltrexone est également utilisée dans la dépendance aux opioïdes. Elle est prescrite après le sevrage des opioïdes, avec un objectif de « désaccoutumance » pharmacologique, et donc pour réduire le risque de rechute. Selon les pays, il existe plusieurs modes de prise pour ce traitement : par voie orale, par injection mensuelle, ou par implant dont l’effet perdure pendant 4 à 6 mois. Ainsi, dans le trouble de l’usage des opioïdes, la Naltrexone permet de diminuer l’usage d’héroïne, de diminuer le craving (envie irrépressible de consommer la substance), et de diminuer les décès par overdose. Une baisse du nombre de décès avait d’ailleurs été particulièrement observée dans les études pour les formes implantables ou injectables, l’observance du traitement par voie orale étant considérée comme moins bonne.

Si le risque global d’overdose est observé comme réduit sous Naltrexone, cela peut être attribué à la meilleure protection anti-rechute. En revanche, sur le plan pharmacologique, il existe avec ce traitement une diminution de la tolérance aux opioïdes, ce qui signifie que les personnes sont plus à risque de faire une overdose fatale avec des doses moins élevées qu’autrefois, si elles utilisent à nouveau des opioïdes. Ce risque existe aussi pour une observance irrégulière du traitement ou bien lors d’éventuelles tentatives pour outrepasser le blocage des récepteurs en utilisant des doses d’opioïdes élevées. Donc, entre risques théoriques plus élevés, et risques observés moins élevés, il est important de comprendre plus précisément ce qu’il se passe.

Dans cette étude, les chercheurs ont voulu savoir quelles étaient les causes de décès des personnes présentant une dépendance aux opioïdes sous Naltrexone. Ils ont réalisé une étude rétrospective à partir d’une base de données australienne répertoriant tous les décès avec obstacle médicolégal entre 2000 et 2017. Celle-ci comportait des données démographiques, les circonstances du décès, mais aussi le rapport d’autopsie, le rapport du criblage toxicologique et la conclusion médicale sur la cause de décès. 74 cas ont été inclus dans l’étude, personnes pour lesquelles il avait été établi qu’une prescription de Naltrexone était en cours, ou bien datait de moins d’un mois (si traitement par voie orale) ou de moins de six mois (si implant). Les formes injectables n’étaient pas utilisées en Australie à cette période.

Les résultats indiquent que la cause de la mort la plus fréquente pour les 74 cas était une intoxication accidentelle aux opioïdes (82%), le plus souvent associée à une prise de Naltrexone par voie orale. Le criblage toxicologique objective dans pratiquement tous les cas une prise concomitante d’autres médicaments au moment du décès, en particulier les benzodiazépines, ou un usage récent d’héroïne pour trois-quarts des décès. Pour les dossiers comportant une recherche de Naltrexone dans le sang ou les urines, la Naltrexone n’était pas détectée dans la moitié des cas, laissant supposer une mauvaise observance thérapeutique.

A la lumière de cette étude, la psychoéducation des patients avec un trouble d’usage des opioïdes sous Naltrexone parait cruciale, étant donné qu’il persiste un risque d’overdose non négligeable malgré le traitement, risque encore plus important en cas de mauvaise observance thérapeutique.

Rappelons que chez les patients avec alcoolodépendance, l’usage de la naltrexone est formellement contre-indiquée en cas d’usage concomitant d’opioïde illicite ou médicamenteux.

Julia de Ternay

Benjamin Rolland

Consulter en ligne