Que consomme-t-on dans les SCMR du Luxembourg ?

Autres drogues

Introduction :

Dans cet article, les auteurs présentent une analyse des produits consommés dans les deux salles de consommation à moindre risque (SCMR) que compte le Luxembourg (640 000 habitants pour  2 586 km²). [A titre de comparaison, la France est 106 fois plus peuplée et 260 fois plus grande mais elle ne dispose que de deux salles également.]

Ces deux SCMR totalisent 3 800 passages par mois, pour 800 usagers différents dont 84 % sont des hommes. 53 % sont des consommations d’héroïne, 28 % de cocaïne et 19 % de speedball (mélange des deux). 1 % des utilisateurs étaient âgés de 18 à 24 ans, 17 % de 25 à 34 ans et 82 % de plus de 34 ans.

L’objectif des auteurs étaient, via une collecte d’échantillons des produits (cocaïne et héroïne) avant consommation et un questionnaire d’établir une corrélation entre qualité attendue et réelle, effets attendus et ceux réels et enfin si le prix payé est en adéquation avec la qualité du produit.

 

Méthode :

La participation à l’étude est faite sur le volontariat et concerne l’ensemble des usagers des SCMR. Elle était proposée par un travailleur social avant la consommation lorsque l’usager prenait son matériel pour consommer. Les questions posées sont : nature du produit,  prix, mode de consommation (injection, inhalation) et l’effet attendu. Un échantillon (3 à 10 mg) est collecté pour analyse. Après la consommation, les usagers sont invités à compléter le questionnaire à propos des effets ressentis et de la pureté estimée de la drogue (sur une échelle de 0 à 100 %). Les analyses (HPLC au laboratoire) sont faites a posteriori et les résultats de la pureté sont transmis à l’usager sous 10 jours.

 

Résultats :

134 usagers différents (79% masculin) ont participé et donné 513 échantillons (plusieurs participations par usager possible). Leur motivation première était de connaitre la pureté et les produits de coupe de leurs produits. En revanche, les questionnaires étaient rarement remplis en intégralité (4,7 %). Si 93,6 % des questionnaires mentionnaient le produit supposé être, seuls 53,6 % précisaient le prix, 45,8 % la pureté estimée, 18,7 % l’effet recherché et 16 % l’effet obtenu post consommation.

  • Concernant l’héroïne, c’est l’effet relaxant (44,1%) qui est le plus recherché devant l’euphorie (25,4 %), l’automédication (douleur…) à 15,3% et la gestion des symptômes de manque. 65 % des usagers déclaraient que les effets attendus ont été obtenus post consommation.
  • Concernant la cocaïne, c’est l’effet « trip/flash » (76,5%) qui est le plus recherché devant l’effet boostant. 60,6 % des usagers déclaraient que les effets attendus ont été obtenus.
  • Concernant la pureté de leurs drogues, 83 % des usagers surestiment la teneur en héroïne alors que 40 % sous-estiment la teneur de leur cocaïne.
  • La pureté de l’héroïne était d’environ 16 % et celle de la cocaïne à 50 %, alors que les usagers les estimaient en moyenne autour de 30 %.
  • Enfin, concernant les prix, sur les 60 % de répondeurs à cette question, on obtient un prix moyen de 57€ le gramme de cocaïne et 45€ pour l’héroïne. Les auteurs soulignent que le prix moyen de la cocaïne constaté ici est inférieur au prix moyen au Luxembourg qui était de 76€ et attribue ce prix discount à un prix adapté par les dealers aux plus précaires consommant dans les SCMR.
  • Il n’y a pas de corrélation entre le prix et la pureté du produit.

 

Conclusion :

Cette étude originale explore différentes facettes sur les produits consommés dans les SCMR du Luxembourg. Elle confirme la faible connaissance que les usagers ont sur le taux de pureté des drogues consommées et que près d’un tiers des usagers n’a pas l’effet escompté. Enfin, on y découvre pour la cocaïne que, contrairement à la logique, les prix ne sont pas corrélés à la pureté mais plus vraisemblablement aux moyens financiers des acheteurs.

Lien vers l’article original 

Par Mathieu Chappuy