Quelle différence entre passion pour les jeux vidéo et addiction pour les jeux vidéo ? L’engagement dans les jeux vidéo, un critère qui n’est pas nécessairement pathologique

En début d’année, l’Organisation Mondiale de la Santé a précisé que la future classification CIM-11. Ceci a été l’occasion d’un débat sur les limites de cette nouvelle entité clinique et notamment sur les critères permettant de la définir.

Autres addictions comportementales

En début d’année, l’Organisation Mondiale de la Santé a précisé que la future classification CIM-11 (publication prévue en juin 2018) devrait intégrer le concept d’addiction aux jeux vidéo (plus précisément : trouble lié à l’usage des jeux vidéo ou « Gaming disorder »). Ceci a été l’occasion d’un débat sur les limites de cette nouvelle entité clinique et notamment sur les critères permettant de la définir.

Cet article, qui se situe dans la lignée des travaux de l’équipe de Joël Billieux sur l’importance de bien définir les critères de troubles addictifs afin de ne pas conduire à une pathologisation de certains de nos comportements, se propose de différencier la notion d’usage problématique et la notion de passion vis à vis des jeux vidéo (JV). En évaluant le lien entre, d‘un côté, passion et usage problématique vis à vis des jeux vidéo, et, de l’autre, des variables telles que l’impulsivité, les troubles dépressifs et le diagnostic d’addiction aux jeu vidéo selon les critères du DSM-5, ces auteurs font l’hypothèse qu’il est possible de distinguer deux profils différents (passion vs. addiction).

En analysant ces données auprès de 268 joueurs réguliers via une analyse factorielle confirmatoire, il a été démontré que les concepts d’engagement sans dommage et d’addiction vis à vis des JV semblaient correspondre à deux entités différentes. Ces auteurs ont également constaté que l’engagement (sans dommage) dans les jeux vidéo et l’usage problématique étaient associés de manière différente à l’impulsivité et à la dépression : association pour l’usage problématique mais pas pour l’engagement sans dommage. Si les scores d’engagement dans les JV (dénommée « passion aux JV» selon les auteurs) et d’usage problématique (dénommée « addiction aux JV) étaient tous les deux corrélés au nombre de critères DSM-5 d’addiction aux JV, l’association était plus forte pour l’usage problématique que pour la « passion ».

 

Si les auteurs de ce travail ne remettent pas en question le diagnostic d’addiction aux jeux vidéo, ils plaident pour une définition différente de ce trouble. Selon ces auteurs, la notion d’engagement dans les jeux vidéo ne devrait pas être considérée comme un critère de trouble addictif en tant que tel : il existerait des formes d’engagement non pathologique et des formes d’engagement pathologique. Selon ces auteurs, la notion de poursuite malgré les conséquences semblerait plus centrale que le seul critère d’engagement dans les JV. L’équipe de Joël Billieux souligne ici la nécessité de définir de manière plus précise les critères diagnostiques d’addiction aux jeux vidéo proposés dans le DSM-5, sans quoi il pourrait exister un risque de considérer comme « addict aux jeux vidéo » des personnes ayant un usage non problématique des JV (ex. une personne jouant beaucoup, ayant ainsi un fort engagement dans les JV mais sans dommage).

 

Par Paul Brunault

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