Introduction :
Les salles de consommation à moindre risque (SCMR) existent depuis plusieurs dizaines d’années dans le monde. De nombreuses études montrent l’intérêt d’un tel dispositif de réduction des risques auprès des usagers de drogues.
La France a débuté une expérimentation en 2016 et à ce jour, seules deux salles sont ouvertes, l’une à Paris et l’autre à Strasbourg. Un projet lillois très avancé devait également voir le jour, mais celui-ci a été bloqué par le ministère de l’Intérieur. Un projet marseillais s’annoncerait pour 2024.
À Lyon, deuxième ville la plus dense de France, l’usage de rue des drogues est présent mais dispersé et il n’y a pas de scène ouverte spécifique, ce qui pose la question de l’intérêt qu’auraient des personnes qui consomment des drogues pour une SCMR.
C’est dans ce contexte de bilan préimplantatoire que l’étude TRABOUL (Dispositifs Territoriaux de Réduction des Risques : Attentes, Besoins et Opinions des Usagers de drogues de Lyon), a été réalisée. Cette enquête vise à identifier auprès des usagers de drogues l’intérêt d’une SCMR, renommée désormais « Halte Soins Addictions ».
Matériels et méthodes :
Il s’agit d’une enquête transversale auprès de 264 usagers de drogues recrutés dans des CAARUD (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues), des CSAPA (Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie), dans la rue ou dans des squats. Des entretiens en face à face ont permis d’explorer les caractéristiques sociodémographiques et médicales des participants.
Des comparaisons bi-variées et des analyses ajustées sur les paramètres sociodémographiques ont exploré l’association entre la volonté d’utiliser une SCMR et d’autres variables, fournissant ainsi des odds ratios bruts (ORs) et ajustés (aORs) et leurs intervalles de confiance à 95 % (95 % CI).
Résultats :
Au total, 193 (73,1 %) usagers ont accepté de participer (âge moyen 38,5 ± 9,3 ans ; 80,3 % d’hommes). Parmi eux, 64,2 % se sont déclarés prêts à utiliser une SCMR.
Le fait d’être demandeur de traitement de substitution (aOR 0,20, 95 % CI [0,08 – 0,51] ; p<0,001) et de ne pas vivre seul (aOR 0,29 ; 95 % CI [0,10 – 0,86], p=0,025) étaient négativement associés à la volonté d’utiliser une SCMR.
A l’inverse, le fait de bénéficier d’une couverture médicale comme la CMU/C2S (aOR 4,12 ; 95 % CI [1,86 – 9,14], p<0,001), d’être séropositif pour l’hépatite C (aOR 3,60 ; 95 % CI [1,20 – 10,84], p=0,022), d’être consommateur de cannabis (aOR 2,45 ; 95 % CI [1,01 – 5,99], p=0,049), et de rapporter des problèmes antérieurs avec le voisinage/les résidents (aOR 5,99 ; 95 % CI [2,16 – 16,58], p<0,001) ou avec la police (aOR = 4,85 ; 95 % CI [1,43 – 16,39], p=0,011) étaient positivement associés avec le souhait de se rendre en SCMR.
Conclusion :
Les usagers de drogues, en particulier les plus démunis, sont largement favorables à l’ouverture d’une SMCR, même dans une ville sans scène ouverte de consommation de drogues, telle que Lyon.
Espérons que l’expérimentation française puisse enfin voir de nouvelles ouvertures de salle avec la fin des blocages politiques car les usagers sont prêts à utiliser ces lieux plutôt que de consommer dans l’espace public.
Par Mathieu Chappuy
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