Tabac : un évènement sanitaire qui nécessite des soins médicaux peut-il changer le comportement des fumeurs ?

Tabac

Les motivations pour arrêter de fumer sont nombreuses : pour la santé, pour faire des économies, pour les enfants, pour la pose d’un implant, avant une intervention chirurgicale Parfois, il faudra beaucoup de temps pour prendre cette décision et aussi pour arrêter de fumer. Le risque d’avoir une forme grave de la Covid19 ou d’en mourir pourrait être également une bonne raison même si, en 2020, 27 % des fumeurs ont augmenté leur consommation de 5 cigarettes/jour en moyenne (1).

Antoine Marsaudon (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) et Lise Rochaix (Université Paris 1) ont voulu savoir si la survenue d’un événement sanitaire (accident ayant entraîné des soins médicaux) pouvait induire un changement de comportement chez les fumeurs.

L’hypothèse formulée par les auteurs est la suivante : « la survenue d’un accident ayant nécessité des soins médicaux agirait comme une prise de conscience de l’individu sur son risque de mourir ; cela pourrait induire un changement de comportement : augmentation ou diminution de sa consommation de tabac. »

Les données sont issues de la cohorte Gazel, créée en 1989 à l’initiative du Pr Marcel Goldberg et constituée de personnels d’EDF et GDF volontaires (la plupart étant maintenant à la retraite) : soit 20 625 agents, âgés de 35 à 50 ans pour les femmes et de 40 à 50 ans pour les hommes.

La question issue du questionnaire était la suivante : « Au cours des douze derniers mois, avez-vous eu un accident ayant nécessité des soins médicaux ? ». Pour juger de l’importance de cet accident, il était aussi demandé s’il avait entraîné ou non un arrêt-maladie.

En ce qui concerne la consommation de tabac (exprimée en nombre de cigarettes ou équivalent par jour), 2 groupes ont été définis :

  • les petits fumeurs (1 – 9 cigarettes/jour),
  • les gros fumeurs (10 cigarettes et plus par jour).

Les variables d’ajustement suivantes ont été prises en compte :

l’âge, le sexe, les revenus du ménage, la CSP du père, le niveau d’études,
l’activité actuelle, le statut marital, la consommation d’alcool (nombre de verres par jour).

Voici les principaux résultats que les auteurs ont observé :

– lorsqu’un accident ayant entraîné des soins médicaux était noté, la consommation de tabac diminuait de manière durable, pendant 5 ans après l’accident ;
– cette diminution était cependant faible, c’est-à-dire 1 à 2 cigarettes en moins par semaine ;
– cette diminution n’a été constatée que dans le groupe des « gros fumeurs » ;
– cette diminution n’a été observée que lorsque l’accident avait été suivi d’un arrêt de travail.

Ils ont constaté par ailleurs que lorsque l’accident avait entraîné des soins médicaux, la consommation d’alcool avait aussi diminué, pendant 3 ans (2).

Quelques réflexions :

– la diminution de consommation (ici de 1 à 2 cigarettes par semaine) est une première étape vers l’arrêt total, sans quoi il n’existe aucun bénéfice pour la santé, même chez les petits fumeurs (3) : en effet, chez ces derniers, le risque de mourir d’un infarctus du myocarde ou d’un cancer du poumon est multiplié par 3 (par rapport à un non-fumeur) ;

– cette étape doit être encouragée à être poursuivie (renforcer le sentiment d’auto-efficacité), avec un professionnel qui proposera une substitution nicotinique ;

– l’accident ayant entraîné des soins médicaux est peut-être indépendant d’une conséquence du tabagisme.

Et, comme le précisent les auteurs, il serait intéressant de tester si des interventions de type « storytelling » (un patient raconte son histoire à d’autres personnes) permettraient d’impacter les comportements de santé. Le forum Addict’Aide le propose avec son espace Tabac, animé par son équipe de patients experts de l’association France Patients Experts Addictions (FPEA).

Références bibliographiques

1 Santé publique France. (2020). Tabac, Alcool : quel impact du confinement sur la consommation des Français ? Site internet.

2 Marsaudon A., Rochaix, L. (2019). « Impact d’un choc de santé sur les modes de vie, exploitation de la cohorte Gazel ». Revue française d’économie, 34(1), 183-225.

3 Bjartveit K, Tverdal A. Health consequences of smoking 1-4 cigarettes per day. Tobacco Control. October 2005, Vol. 14 (5), pp. 315-20.

EN SAVOIR PLUS

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

1 – Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)

2 – 7ème Centre Médical des Armées (Antennes de Varces et Chambéry)

3 – Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)