ADDICTION AU JEU / Les joueurs sont toujours perdants

Les joueurs dits « pathologiques » ne représentent qu’une infime partie des adeptes des jeux d’argent et de hasard. Pour autant, l’addiction aux jeux est une réalité. Les explications du Dr Marie Grall-Bronnec, psychiatre, spécialisée en addictologie et responsable médicale de l’IFAC*

Jeux d’argent et de hasard

On parle d’addiction aux jeux quand la pratique occupe trop de place dans la vie du joueur, qu’elle devient envahissante, quele joueur perd le contrôle et continue malgré tout de jouer, alors que les conséquences négatives sont pourtant bien présentes. Je fais ici référence aux jeux de hasard et d’argent, c’est-à-dire ceux qui impliquent une mise monétaire irréversible, avec une issue dépendant tout ou partie du hasard. On parle de jeu pathologique dès lors que le joueur est dépendant de la pratique des JHA (jeux de hasard et d’argent). En résumé, quand le joueur joue trop souvent, trop longtemps, trop d’argent.

Est-il des signes « avant-coureurs » qui peuvent mettre en alerte le joueur ou son entourage ?

On peut retrouver différents signes qui indiquent que le joueur a un problème dont il n’a pas encore parlé : l’irritabilité, des troubles du sommeil, l’isolement, l’abandon des activités de loisir, des difficultés financières, beaucoup de temps passé dans des lieux de jeu ou sur internet…

Comment expliquer que le problème soit moins relayé qu’une addiction à la drogue, par exemple, ou à l’alcool ?

En effet, l’addiction aux jeux est moins médiatisé, et pour beaucoup de monde, il ne s’agit pas d’un trouble, d’une maladie, avec pour conséquence des soins possibles, mais plutôt d’une mauvaise habitude, d’un vice, d’un manque de volonté, qu’un peu plus de contrôle de soi permettrait de résoudre. Les problèmes de jeu sont souvent cachés à l’entourage, parfois longtemps. Il s’agit d’un trouble addictif qui n’est pas « visible », sauf à se plonger dans les comptes du joueur. Les conséquences vont beaucoup moins s’exprimer à un niveau somatique (les troubles liés à l’usage de l’alcool vont par exemple entraîner des dommages sur le plan hépatique), ce qui implique que le médecin traitant peut ne pas être informé.

Les joueurs et leurs proches vivent le trouble avec beaucoup de honte et ont donc tendance à rester discrets sur leurs difficultés, alors que l’on sait qu’être soutenus par d’autres (famille, amis, professionnels sociaux ou de santé) est précieux. Changer les représentations concernant le jeu pathologique devrait permettre aux 2.5% de la population générale âgée de 15 à 75 ans  qui sont en difficultés avec les JHA (joueurs excessifs et joueurs à risque) de parler de leurs problèmes et de demander de l’aide autour d’eux.