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Cash Investigation, l’émission d’Elise Lucet sur France 2, tente de décortiquer les méandres de ce que l’on appelle le blanchiment de l’argent du trafic de cannabis, sachant qu’il pourrait tout aussi bien s’agir de l’argent du trafic d’un autre stupéfiant. D’après le Capitaine de police de l’Office Central de répression de la grande délinquance financière interrogé par la journaliste, ce sont des centaines de millions d’euros qui seraient collectés chaque année et donc blanchis. Le documentaire tente de prendre le recul nécessaire pour comprendre comment fonctionne ce blanchiment de “l’argent de la drogue“, même si, bien entendu, le sensationnel et la condescendance seront parfois au rendez-vous, comme souvent concernant ce sujet. Mais laissons ça de côté pour essayer d’y voir plus clair dans le parcours de cet argent dit “sale“…
Ca commence par les collecteurs, ces hommes ou ces femmes, sans profil fixe, qui récoltent le numéraire du trafic de rue, les quelques centaines de milliers d’euros chaque semaine qui s’accumulent et prennent beaucoup de place. Le collecteur prend 0,3% des sommes récoltées. Mais comment faire apparaître tout cet argent sur une ligne de compte bancaire du chef de réseau auquel il est destiné, et comment les réinjecter dans l’économie légale ? Car difficile de voyager avec autant d’argent, les déposer au guichet d’une banque, ou même simplement faire un très gros achat en liquide pour l’écouler. C’est là que le blanchiment opère, c’est-à-dire, comme le dit la définition présentée dans le reportage : « agir pour dissimuler la provenance d’argent acquis de manière illégale ». Mais suivre cet argent collecté, ce n’est pas une mince affaire…
Un intermédiaire, quasi incontournable, entre alors dans l’affaire. L’argent du trafic est transmis à ce que l’on appelle un saraf dans les pays arabes, et notamment au Maroc, pays qui entretient des liens étroits avec la France via la communauté maghrébine. Le Saraf est une sorte de banquier occulte qui récupère les liquidités en euro en France et les fait apparaitre dans la monnaie du pays où le trafiquant en a besoin. Tout se fait au téléphone et sur la base uniquement d’une confiance réciproque. L’intermédiaire prend bien entendu une commission au passage. Mais pour équilibrer les transferts entre la France et le pays de destination, le Saraf doit donc avoir des clients des deux côtés. Certains hommes d’affaires peuvent être ces clients et bénéficier d’un transfert occulte vers la France, et ce en faisant l’autruche sur l’origine de l’argent. Toujours est-il que les liquidités voyagent sans quitter le sol du pays où il a été récolté. Mais elles restent encore des liquidités. Alors comment les transformer pour qu’elles puissent s’introduire dans l’économie légale ?
L’or reste une valeur sûre, facilement transportable et négociable. Avec ces liquidités, de l’or est acheté. Cet or est expédié légalement dans un paradis fiscal grâce à une facture émise par le vendeur d’or pour le compte d’une bijouterie fantoche domiciliée dans ce paradis fiscal. L’or est alors revendu sur place contre du liquide qui sera confié par la suite à un bureau de change chargé de le transférer sur le compte de sociétés domiciliées peut importe où dans le monde. Des milliers de compagnies bénéficient de ces transactions, dont des compagnies françaises… Et quand des audits sont réalisés à Dubaï, par les fameux consultants d’Ernst and Young par exemple, et ce pour le compte de sociétés locales, négociants d’or, de mèche avec des sarafs, et que ces audits mettent en évidence des opérations suspectes, les consultants sont invités à aider leur client à glisser sous le tapis tout ce qui pourrait déranger la conformité légale de l’entreprise…
La mondialisation financière a du bon pour des sarafs qui savent y faire pour que les traces du blanchiment apparaissent mais qu’elles soient intouchables… Le trafic international a donc encore de beaux jours devant lui…