En 1995 sort aux Etats-Unis un film d’Abel Ferrara (sur un scénario de son ami et complice Nicholas St. John) qui tient une place particulière dans sa filmographie. Cette tentative en noir et blanc de l’exploration du film de genre colle avec les aspirations et usages du moment du cinéaste. Usager occasionnel d’héroïne depuis peu, il plongera, après la réalisation de ce film, dans une consommation plus compulsive…
Le parallèle évident qui est fait dans cette œuvre cinématographique entre addiction au sang et addiction à un produit comme l’héroïne est totalement recherché, assumé, et saute aux yeux. Il est question ici d’injection, de symptômes du manque, de quête effrénée du produit, et même de surdose, sûrement pas létale puisque nous avons affaire à des vampires. Si ces étapes inhérentes au parcours d’un usager régulier intensif peuvent être associées à presque tous les psychotropes, l’héroïne est le premier qui vient en tête des observateurs à cause de l’imagerie qu’il véhicule. Pourtant, les effets psychoactifs d’une prise de produit présentés ici, seront visiblement plutôt ceux des stimulants comme la cocaïne que de dépresseurs du système nerveux central comme le sont les opiacés.
L’héroïne restera malheureusement toujours le produit le plus emblématique et le plus stigmatisé quand il s’agit d’usage de drogue en intraveineuse… Voyager au cœur de ce film d’Abel Ferrara, c’est accepter de se laisser porter par le flux sanguin qui agite les personnages, un en particulier, avec cet appel à la vie éternelle qui, tout en faisant un pied de nez à la mort, semble pourtant constamment danser avec elle.
« Tu veux aller dans un coin sombre ? »
Le vampire Peina à Kathleen
Entrons tout d’abord au cœur de l’horreur perpétrée par des hommes en armes dans un pays “ennemi“ à des milliers de kilomètres de celui de l’Oncle Sam. Les images du massacre de My Lai en 1968, commis par des soldats américains sur des habitants innocents d’un village vietnamien, s’enchaînent sur l’écran de la salle de projection où sont assises deux étudiantes en doctorat de philosophie. Un bouc émissaire fut trouvé à l’époque pour apaiser la mauvaise conscience de l’administration militaire et faire croire au peuple américain que justice avait été rendue. Le mal n’est pas l’affaire d’un seul homme semble nous dire Kathleen, l’une des deux étudiantes, visiblement sous le choc des images terribles qui défilent devant elle. On s’insurge avec sincérité contre l’impunité dont bénéficient les vrais criminels de guerre, ceux qui font verser le sang, directement ou indirectement et de sang-froid… L’innocence de Kathleen va basculer dans quelques instants sans qu’elle s’en doute. La journée se termine. Il est temps de rentrer chez soi en fermant les yeux sur les trafics qui s’opèrent dans la rue de ce quartier populaire de Manhattan que l’étudiante traverse profil bas pour ne pas attirer l’attention et esquiver des tentatives d’approches malvenues…
La suite de l’article vous est proposée en version PDF téléchargeable pour “en savoir plus“.
Thibault de Vivies