“Ecrits stupéfiants“ Une anthologie de Cécile Guilbert

La romancière et essayiste Cécile Guilbert réunit dans ce volume de 1400 pages une anthologie, non exhaustive bien entendu, sous-titrée “Drogues & littérature d'Homère à Will Self“ et constituée d’une somme de références et d’extraits de textes qui nous racontent comment les romanciers, poètes, essayistes, voyageurs, membres du corps scientifique et médical, un peu tous usagers réguliers ou expérimentateurs, se sont intéressés au sujet et s’en sont emparés dans des oeuvres emblématiques, certaines déjà cultes, d’autres moins connues…

Autres drogues

L’ensemble des textes est réuni dans quatre parties qui reprennent la classification du chimiste Louis Lewin qui, en 1928, publiait la première encyclopédie des drogues (Editée aux Editions Camion Noir sous le titre “Phantastica“)… Il distinguait les dépresseurs comme l’opium, la morphine ou l’héroïne (Euphorica), des perturbateurs comme le cannabis et les plantes hallucinogènes (Phantastica), mais aussi des stimulants comme la cocaïne ou les amphétamines (Excitantia), ou enfin des substances enivrantes comme l’éther ou le protoxyde d’azote (Inebriantia)… 

Une histoire des produits introduit chaque série de textes, permet de nous replonger dans le contexte des études et usages du moment, et fait le lien vers une autre histoire de la littérature… Une cinquième catégorie de la classification de Lewin, Hypnotica, est absente de cette anthologie par manque de référence. C’est celle que l’auteure nomme des agents narcotiques, parmi lesquels on pourrait classer les barbituriques et de nos jours les benzodiazépines. Certains produits sont volontairement absents, comme l’alcool notamment, qui nécessiterait à lui tout seul une anthologie, tant la littérature le concernant est prolifique, nous explique l’auteure… 

Il est à noter qu’avant de s’immiscer un peu plus dans ces écrits stupéfiants, Cécile Guilbert nous raconte, comme d’autres l’ont fait avant elle, avec plus ou moins de réussite, un parcours d’usage qui accompagne un parcours de vie. Dans un avant-propos sous-titré “Des livres aux drogues et à l’abstinence en passant par l’Inde et autres ivresses“, elle nous explique que c’est sa double attirance pour les livres et les psychotropes qui l’ont jetée dans l’aventure de l’écriture de cet ouvrage. Elle saura, quel que soit le produit, nous faire partager cette passion des écrivains qui ont exploré les usages. Comme elle l’explique dans un entretien donné au magazine Les Inrockuptibles du 04 septembre : « On peut être un grand consommateur sans être un grand écrivain ou un usager occasionnel de hash comme Baudelaire ou Théophile Gautier et laisser des textes fondateurs. »… 

On peut parcourir cet ouvrage incroyable, dont il est difficile de ressortir indemne, soit à petites doses successives plus ou moins espacées dans le temps, ou alors d’un seul trait si l’on souhaite se gaver de mots qui nous racontent comment les usages s’écrivent dans leurs effets et dans leurs manques… On peut regretter tout de même que la littérature qui traite du trafic et des trafiquants, littérature essentiellement classée dans le polar, soit absente ici, car elle permet, en dealant avec la prohibition, de contextualiser beaucoup d’usages, et de prendre le recul nécessaire à cette thématique complexe… 

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