Essai / “Narconomics“ de Tom Wainwright

Tom Wainwright est journaliste à The Economist en Grande-Bretagne. Jusqu’en 2013, il était correspondant du magazine à Mexico et s’intéressait tout particulièrement à l’Amérique Latine, systématiquement montrée du doigt quand il s‘agit de trafics de drogues. L’ouvrage qu’il nous propose ici est sous-titré “La drogue, un business comme les autres ?“.

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Tom Wainwright est journaliste à The Economist en Grande-Bretagne. Jusqu’en 2013, il était correspondant du magazine à Mexico et s’intéressait tout particulièrement à l’Amérique Latine, systématiquement montrée du doigt quand il s‘agit de trafics de drogues. L’ouvrage qu’il nous propose ici est sous-titré “La drogue, un business comme les autres ?“. La complexité d’un marché illégal combinée au peu surprenant bon sens dont il fait preuve, mérite qu’on s’attarde un peu sur son fonctionnement et sur les problématiques auxquelles peut être confronté n’importe quel entrepreneur dans un marché légal.

Tom Wainwright a découpé son ouvrage en dix chapitres qui sont autant de thématiques que l’on pourrait faire apparaître dans un essai d’économie consacré à d’autres produits de consommation courante. Sa démarche est celle d’un économiste aventurier qui n’hésite pas à aller sur le terrain pour décortiquer tous les mécanismes et nous faire comprendre quels sont les parallèles à faire avec les marchés légaux. L’ouvrage est préfacé par Pierre Kopp, dont l’expertise en terme d’économie des marchés des stupéfiants n’est plus à faire.

L’auteur commence par identifier la chaine d’approvisionnement de la cocaïne, en mettant en avant une majoration des prix de 30 000% entre le cultivateur et l’acheteur. Il qualifie le marché, non pas de monopole avec vendeur unique, mais de monopsone avec acheteur unique, dans la mesure où les cartels ont fait main basse sur ce produit, en imposant aux cultivateurs de coca leur prix d’achat. Toutes les campagnes d’éradication de l’arbuste n’ont fait que réduire les marges des fermiers, mais en aucun cas celles des cartels. Wainwright met aussi en avant la concurrence acharnée que se livrent les cartels pour conquérir des parts de marché, ainsi que les dégâts humains que ça engendre. Les cartels sont aussi confrontés à une problématique de recrutement de personnel compétent mais surtout fiable. La cooptation est de mise. La promiscuité des prisons et le besoin de protections des prisonniers qui évoluent dans un environnement hostile sont propices au recrutement. Wainwright insiste aussi sur la responsabilité sociale dont s’emparent les cartels, au même titre que d’autres grands groupes, pour se mettre dans la poche des populations en redistribuant l’argent du trafic.

Sont également abordées les problématiques de délocalisation inhérente à “l’effet ballon“ (si les cultures sont éradiquées et les routes du trafic bloquées dans une zone, elles réapparaissent plus loin), ainsi que celles des franchises (les cartels installent des relais commerciaux pour s’assurer la mainmise sur un territoire et récolter un pourcentage au passage). Les cartels ont aussi la nécessité d’innover en développant leur recherche dans le secteur des drogues de synthèse “pas encore illégales“, ou en réinvestissant le marché de l’héroïne en croissance aux Etats-Unis depuis l’augmentation de la prescription des opiacés de synthèse. La légalisation du cannabis récréatif aux Etats-Unis, ainsi que l’essor du e-commerce, sont également à considérer dans la mesure où ils bousculent les rapports entre acheteurs et dealers, et peuvent menacer à terme la bonne marche de la vente traditionnelle de rue et le narco business dans son ensemble en réduisant les revenus essentiellement tirés du trafic de stupéfiants, même si d’autres trafics ont aussi le vent en poupe.

Tom Wainwright conclut en mettant en exergue les quatre erreurs fondamentales des politiques de lutte contre les drogues : l’obsession d’un combat contre l’offre; l’économie réalisée sur la prévention pour financer la prohibition; un combat au niveau national d’une activité mondiale; et enfin, la confusion entre interdiction et contrôle.

Wainwright n’hésite pas à affirmer très justement que la prohibition fait plus de mal d’un point de vue sanitaire que la légalisation contrôlée. La politique néozélandaise en matière de drogue de synthèse et la politique suisse ou anglaise en matière de substitution à l’héroïne, en étant deux bons exemples…

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