Nous avions eu l’occasion de présenter en octobre 2018 le premier récit de Gérard Fauré, récit se concentrant alors sur son parcours de trafiquant et les connivences entre milieu du trafic et milieu politique. Le monde de la nuit parisienne figurait déjà et les révélations se succédaient sans qu’elles soient centrales… Le deuxième volet, publié début 2020, et titré Le prince de la coke, nous en dit un peu plus. Encouragé par le succès de ses premières révélations, Gérard Fauré fournit aux friands des commérages, de quoi alimenter leurs soirées. Ici encore, on a le droit d’avoir des doutes sur la véracité de certaines parties du récit, mais il n’y a aucune raison de ne pas y croire, ou en tout cas de balayer ce récit d’un revers de la main. La vérité est que l’on n’a pas l’impression d’en apprendre tant que ça, puisqu’il n’y a rien de surprenant à ce que certains acteurs, hommes politiques, animateurs télé, intellectuels, businessmen… aient été usagers de cocaïne ;le produit que Gérard Fauré vendait le plus quand il était en activité. Les âmes sensibles aux mœurs de leur “people“ préférés pourraient soit s’en offusquer, soit au contraire s’en émoustiller. Toujours est-il que cela montre que les représentations autour des usages de stupéfiants sentent encore le souffre…
Gérard Fauré relate ses aventures simplement, et sans détour. Il nous présente les personnalités qu’il a fournies, sans visiblement s’autocensurer, et ne mâche sûrement pas ses mots quand il a des regrets et rancœurs à exprimer. Dans ce récit, peut-être plus encore que dans le précédent, l’auteur règle ses comptes. Chacun en prend pour son grade, avec quelques exceptions, comme le fameux journaliste-écrivain Jean Edern Hallier dont il vante la fantaisie, et pour qui il était prêt à tout pour satisfaire ses envies de cocaïne à toute heure du jour et de la nuit. D’autres, comme l’avocat Dupont-Moretti, sont loin d’avoir ses faveurs. La critique est cinglante…
Gérard Fauré nous raconte aussi des rencontres étonnantes, comme celles de grandes figures du rock londonien ou ce mannequin qui lui en fit voir de toutes les couleurs en fricotant avec la police tout en tentant de se mettre le trafiquant dans la poche pour lui demander d’assassiner son père, sa maîtresse, son frère et sa sœur.
On se promène dans son récit comme si l’on avait affaire à un entretien télévisé avec un ex-dealer qui nous déballerait tout pour faire monter l’audience. Il y a certainement chez le trafiquant du plaisir à se faire mousser, ou à titiller la bonne morale des bonnes gens. Il y a aussi chez lui ce désir affirmé de sortir de l’hypocrisie ambiante qui consiste à fustiger les dealers qui ne font que répondre à une demande bien tue dans certains milieux mais pourtant bien réelle, demande qui ne fait pas des usagers de simples victimes…
Pour finir, un petit extrait : « Que voulaient-ils, en vérité, tous ces prêcheurs de morale, ces gens toujours prêts à critiquer ce qui ne leur convenait pas ? Que je me repente d’avoir fourni la meilleure coke du monde à des gens avisés, à des initiés, des hédonistes désireux de goûter à tout et à n’importe quoi pour se faire plaisir, et à de gros pervers désirant augmenter leurs perversions en s’aidant de la coke ? Pouvais-je changer les gens, leurs habitudes, la société, en leur refusant ma coke ? Pouvais-je leur interdire de s’intoxiquer, de s’empoisonner, de satisfaire leurs déviances malsaines, leurs vices et leurs addictions ? Il y avait tellement de simagrées, d’hypocrisie, de mensonges autour de cette drogue que j’en étais écoeuré, moi qui venais de Hollande, où tout se passait ouvertement. »
Thibault de Vivies