Lecture-concert / “Plus qu’humain… ou plus humain ?“ de Alain Damasio et Yan Péchin

Les neuvièmes journées nationales de la Fédération Addiction, dont était “Plus qu’humain… ou plus humain ?“ ont invité cette année, pour la première plénière, l’auteur de science-fiction Alain Damasio. Le romancier nous propose ici une lecture habitée d’une nouvelle, écrite pour l’occasion et accompagnée de musique jouée en direct par Yan Péchin.

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Les neuvièmes journées nationales de la Fédération Addiction, dont était “Plus qu’humain… ou plus humain ?“ ont invité cette année, pour la première plénière, l’auteur de science-fiction Alain Damasio. Le romancier nous propose ici une lecture habitée d’une nouvelle, écrite pour l’occasion et accompagnée de musique jouée en direct par Yan Péchin.

Pour souffrir la comparaison avec les androïdes qui l’entourent sur scène, un guitariste, dont le nom de scène est Fistroy (car il joue parfois avec le poing fermé sur les cordes), se shoote à la neuroïne qui semble être un stimulant. Le produit permet au narrateur de garder le niveau comme il dit. L’injection dans le “névrax cervical“ se fait par un geste discret de la main dans la nuque. “Ca frétille furieusement dans mes nerfs“. Tout va vite dans cette réalité futuriste, et il faut suivre. L’humain est entouré de machines-musiciens, des rob-rox, qui produisent de la musique complexe, variée, et de la bonne, à vitesse surhumaine évidemment. L’homme, c’est “la touche créative, le sauvage, l’intempestif, la rage“.

Guitariste accro au virtuel, la “réule“ et les “disques rétiniens“ sont ses outils de diffusion d’une réalité “seconde“ qui a prit le pas sur la réalité augmentée qui elle-même avait pris le pas sur la réalité virtuelle. Cette réalité “seconde“ propose une réalité où l’environnement virtuel peut être totalement intégré dans le réel, une réalité où le sens du toucher a sa place. On peut toucher le virtuel. On peut le sentir aux bouts de ses doigts. Fistroy se shoote aux cessions de “réule“. Il enchaine les disques rétiniens sans réussir à s’en débarrasser pour ne pas être tenté. Shalizée est la maîtresse “seconde“ de notre guitariste. La relation sensuelle et amoureuse qu’il entretient avec cet hologramme si vivant (en référence au rapport qu’entretient le protagoniste de Blade Runner 2049 avec une femme hologramme.) occupe ses moments de vie hors-scène. Fistroy aimerait pouvoir décrocher, “couper“ comme il dit, mais la tâche semble difficile.

Et si la vraie défonce désormais était le réel, le vrai, le brut, celui qui “te colle à la terre“. « Défonce-toi au réel Fist ! » est l’injonction que se répète le guitariste pour sortir de son addiction. Il est suivi par une jeune femme du CAARUD, Sofia, « qui ne le juge pas, qui l’aime bien… ». Mais pour se défoncer au réel, il faut s’y confronter, butter dedans, tenter, échouer, retenter. Faut y aller, et pas qu’un peu, avoir la patiente car on est loin de la réalité virtuelle où tous les plaisirs sont à disposition et à portée en un claquement de doigts. Alors quand Sofia vient rendre visite à notre guitariste un soir de descente, la jeune femme se fond dans Shalizée pour que Fistroy retrouve le goût d’une réalité sensorielle qui peut reprendre petit à petit sa place. Les sens primaires, comme l’odeur et le goût refond leur apparition…

Cette fiction orale nous embarque dans ces problématiques addictives où l’objet du désir est aussi celui que l’on doit mettre à distance pour ne pas se faire trop de mal et s’éloigner du réel. “Frustration et récompense“ sont des mots répétés en fin de récit. Ils peuvent raisonner chez celles et ceux qui sont confrontés de près ou de loin à ces problématiques…