Roman / “Les méduses ont-elles sommeil ?“ de Louisiane C. Dor

Autres drogues

 

La jeune auteur de ce très court roman, édité en poche aux Editions Folio, se défend d’avoir écrit un récit autobiographique. Même si deux ou trois scènes sont authentiques, tous les personnages n’ont pas existé. Il s’agit bien d’un roman, celui d’une jeune femme de vingt deux ans, simplement inspiré librement de faits vécus. L’histoire racontée est celle d’Hélène, une jeune provinciale de dix-huit ans qui décide, par envie d’évasion et ambition, de monter à Paris en quête de travail, de reconnaissance, et de paillettes. Hélène veut simplement vivre et ne surtout pas s’endormir. A Paris, tout lui semble possible et prometteur. Elle est logée par sa cousine Laurine, une trentaine d’années, consommatrice régulière de cocaïne, qui lui propose, dès le début du récit, de sniffer devant elle une première trace de cocaïne en poudre dans l’idée que si elle doit essayer un jour, il vaut mieux que ce soit avec elle. Laurine est pleine de bonnes intensions familiales et veut faire découvrir la vie à sa petite cousine tout en la protégeant au mieux.

« Je savoure ma découverte. La blanche est ce qui manquait à ma vie. Ca y est j’existe. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante. » La première expérience d’Hélène n’a pour elle rien de négatif à première vue. Alors nous voilà embarqué dans les nuits parisiennes sous coke et MDMA, avec cette sensation d’inéluctabilité de consommations de psychotropes dans ces fêtes qui se succèdent et se ressemblent toutes, du moins dans leurs modes de fonctionnement. Les produits sont à disposition et les habitudes d’usage entre pairs s’installent comme une évidence. Hélène consomme de plus en plus. La cocaïne sert de remontant quand la descente de MDMA est trop violente. Les ressentis sont décrits avec précision, sincérité, mais aussi distance et analyse. Les satisfactions d’usage ne sont pas tues, bien heureusement, car elles permettent de comprendre les raisons de la poursuite d’une consommation dont la narratrice ne va pas cacher non plus les côtés obscurs : « Je me prépare pendant des heures pour les soirées. C’est moi qui serai la plus belle. C’est moi qui aurai le rouge à lèvres le plus rouge et le look le plus soigné. Dans trois heures, c’est aussi moi qui aurai les yeux les plus angoissants et la peau la plus moite. Mais à ce moment-là, je ne me regarderai plus dans le miroir. La beauté sera dans ma tête et l’horreur ne se lira que sur mon visage. Mes cheveux seront sens dessus dessous ; mes cernes et mes pupilles seront charbon. Mon rouge à lèvres se sera éparpillé tout autour de ma bouche à cause des grincements de dents et des mordillements de lèvres que provoque la MDMA. J’ai la peau qui brille de mille feux sous les boules à facettes.»

Les méduses du titre sont les consommateurs de MDMA, légers, souples et lumineux comme nous l’explique l’auteur dans un entretien. “Les méduses ont-elles sommeil ?“. La question posée n’est pas résolue dans la narration. Elle propose simplement aux consommateurs d’éventuellement mettre en suspend leurs usages ou même de les stopper, et d’aller se coucher.

Même si le récit a du mal à éviter, comme tant d’autres du même acabit, une forme de diabolisation des produits, il éclaire l’ambiguïté d’une consommation régulière intensive qui mêle quête du plaisir, besoin d’anesthésie mentale, habitudes, ritualisation, et descentes à gérer. Pas question ici de moraliser, juste témoigner sous couvert de fiction pour laisser place à une distance souvent inévitable quand il s’agit de récits sous psychotropes…

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