ADDICTIONS COMPORTEMENTALES / La transmission intergénérationnelle du jeu excessif : le rôle médiateur des attentes et des motivations vis-à-vis du jeu

Le risque de développer une addiction aux jeux de hasard et d’argent (jeu excessif ou jeu d’argent pathologique) est plus élevé dans la descendance des parents ayant un problème de jeu excessif qu’en population générale, mais les mécanismes exacts sous-tendant cette association restent encore mal connus.

Jeux d’argent et de hasard

Le risque de développer une addiction aux jeux de hasard et d’argent (jeu excessif ou jeu d’argent pathologique) est plus élevé dans la descendance des parents ayant un problème de jeu excessif qu’en population générale, mais les mécanismes exacts sous-tendant cette association restent encore mal connus.

L’hypothèse originale proposée par les auteurs de cet article était de considérer que le risque « intergénérationnel » de développer un jeu excessif pourrait être lié à des attentes et des motivations à jouer spécifiques (potentiellement intergénérationnelles) : plus d’attentes que la moyenne vis-à-vis des bénéfices potentiels sur le plan psychologique et financier, vis à vis des effets anxiolytiques du jeu et vis-à-vis de sa capacité à permettre une meilleure socialisation; motivations de type meilleure régulation des émotions, valorisation de l’estime de soi et fonction de socialisation.

Pour tester leur hypothèse, les chercheurs de cette étude ont évalué le jeu excessif (Problem Gambling Severity Index), les antécédents de jeu excessif chez les parents, les attentes vis-à-vis du jeu (Gambling Expectancy Questionnaire) et les motivations à jouer (Gambling Motivation Questionnaire) auprès de 823 étudiants recrutés dans des institutions éducatives australiennes. Ils ont ensuite réalisé des analyses statistiques permettant de tester la validité d’un modèle causal entre ces variables (équations structurales).

Environ deux tiers des étudiants rapportaient avoir joué à un jeu de hasard et d’argent au cours de l’année écoulée, avec une prévalence de jeu excessif d’environ 1/20 (5,3%). Parmi les étudiants ayant joué au cours de l’année écoulée, 7,1% rapportaient des antécédents de jeu excessif chez leurs parents (respectivement 6,1% pour les pères et 1% pour les mères) ;  ces étudiants avaient trois fois plus de risque que les autres de développer un jeu excessif. La relation entre antécédent familial de jeu excessif et jeu excessif chez l’étudiant était complètement expliquée par les motivations à jouer (régulation émotionnelle, valorisation, socialisation) et les attentes vis-à-vis du jeu (i.e., attentes positives, valorisation, attentes financières, attente d’un impact émotionnel bénéfique). Autrement dit, les données recueillies par les chercheurs étaient en accord avec leurs hypothèses : l’existence d’un antécédent de jeu excessif chez un parent était associée à des motivations différentes et des attentes plus importantes vis-à-vis du jeu, ce qui pouvait ainsi contribuer à la survenue ultérieure du jeu excessif.

 

Ce travail offre des pistes pour améliorer la prévention du jeu excessif : en agissant précocement sur les distorsions cognitives préexistantes des sujets plus vulnérables, nous pouvons espérer diminuer le risque de transition entre l’usage du jeu et le jeu excessif. Ce travail renforce également l’idée selon laquelle la prise en charge du jeu d’argent pathologique doit aussi intégrer une évaluation préalable des motivations à jouer du patient et de ses attentes vis à vis du jeu, qui sont autant de facteurs de risque potentiels de rechute et autant de cibles thérapeutiques et préventives potentielles.

Par Paul Brunault 

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