Pourquoi avoir fait cette recherche ?
Les altérations dans certains réseaux cérébraux semblent jouer un rôle important dans la physiopathologie des troubles de l’usage de substances, mais leur rôle dans les addictions comportementales, comme par exemple le trouble du jeu d’argent et de hasard, n’est pas clair. Pourtant, la connaissance de ces altérations est primordiale pour identifier des traitements, pharmacologiques (médicaments agissant sur le cerveau) ou en neuromodulation (stimulation de zones du cerveau sans intervention chirurgicale) qui peuvent aider à réduire les symptômes des troubles addictifs.
Par ailleurs, le trouble du jeu d’argent et de hasard est une addiction sans usage de substance, ce qui présente l’avantage de ne pas confondre les altérations cérébrales liées à l’addiction avec celles liées à l’usage de substances, de traitements de substitution ou de traitements d’aide au sevrage. Ceci permet ainsi aux chercheurs d’accéder à des connaissances non biaisées sur les modifications des réseaux cérébraux dans l’addiction.
Quel est le but de cette recherche ?
Le but de cette recherche est d’examiner l’intégrité des réseaux cérébraux connus pour être impliqués dans les troubles de l’usage de substances, chez des personnes souffrant de trouble du jeu d’argent et de hasard. L’hypothèse des chercheurs était que les mêmes réseaux cérébraux étaient affectés dans le trouble du jeu d’argent et de hasard et dans les troubles de l’usage de substances. L’intérêt à long terme de cette comparaison est de pouvoir reproduire des approches thérapeutiques existantes dans les troubles de l’usage de substances, qui sont non invasives (qui ne nécessite pas d’intervention chirurgicale ou d’actes conduissant à la destruction des tissus), pour le trouble du jeu d’argent et de hasard.
Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
Un échantillon de 20 patients diagnostiqués avec un trouble du jeu d’argent et de hasard (avec une moyenne d’âge de 64 ans et une durée du trouble du jeu d’argent et de hasard de 16 ans) a été comparé avec un échantillon de 40 sujets « sains » appariés sur l’âge et le sexe. Les participants ont réalisé des examens cliniques détaillés (consommations de substances, pratique de jeu d’argent et de hasard, capacités cognitives, impulsivité, anxiété et dépression) et passé des IRM cérébrales utilisant différentes modalités d’imagerie (imagerie cérébrale multimodale).
Ces mesures ont ensuite été comparées entre les groupes, et les corrélations avec les caractéristiques spécifiques au trouble du jeu d’argent et de hasard ont été examinées. Les chercheurs ont volontairement cherché des participants plus âgés que pour les études antérieures car ils présentent une dégénérescence de la substance blanche plus importante liée à l’âge, ce qui augmente la sensibilité de l’analyse.
Quels sont les principaux résultats à retenir ?
Comme cela a été constaté chez les personnes présentant des troubles de l’usage de substances, les participants ayant un trouble du jeu d’argent et de hasard présentaient une altération du circuit cérébral fronto-striato-thalamique, avec des résultats convergents dans différentes modalités d’imagerie utilisées. Ce circuit a notamment été identifié comme étant impliqué dans le contrôle inhibiteur (capacité à résister aux impulsions, aux tentations) et la recherche de récompense.
Ainsi, il semble que les comportements addictifs soient régulés et modulés par le même circuit cérébral dans les addictions aux substances et dans les addictions comportementales. Les chercheurs suggèrent en conclusion qu’une intervention ciblant ce circuit, en utilisant par exemple la neuromodulation, pourrait rééquilibrer efficacement ce réseau et conduire à une amélioration des symptômes. D’autres essais cliniques sont toutefois nécessaires pour démontrer cette hypothèse.
Les points clés à retenir
· Tout comme pour les addictions aux substances, le circuit cérébral fronto-striato-thalamique est également affecté dans le trouble du jeu d’argent et de hasard, ce qui suggère que ce circuit pourrait jouer un rôle primordial dans les addictions.
· Une intervention de neuromodulation ciblée, procédé non invasif, pourrait potentiellement permettre de rééquilibrer ce circuit neuronal.
Plus d’informations sur cette recherche :
Albert Bellmunt-Gil, Victor Vorobyev, Riitta Parkkola, Jyrki Lotjonen, Juho Joutsa, Valtteri Kaasinen
Frontal white and gray matter abnormality in gambling disorder: A multimodal MRI study; Journal of Behavioural Addictions, June 2024
En savoir plus : akjournals.com.
Retrouvez la synthèse de l’article du mois «Anomalie des substances blanches et grises du cerveau dans le trouble du jeu d’argent et de hasard : une étude basée sur l’imagerie cérébrale multimodale» sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.