Cocaïne, ecstasy, hallucinogènes… Quels sont les comportements des jeunes face aux drogues illicites ?

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Stanislas Spilka, Observatoire français des drogues et tendances addictives

De nombreux clichés circulent autour de la consommation de drogues chez les jeunes. Ils consommeraient de plus en plus tôt et en plus grande quantité que leurs aînés. Mais qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, une enquête a été menée sur la santé et les consommations lors de la Journée d’appel et de préparation à la défense (ESCAPAD). Cette dernière est conduite par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) en collaboration avec la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Menée pour la première fois en 2000, elle a été réalisée neuf fois et ses derniers résultats datent de 2022.

Elle porte principalement sur les consommations de substances, mais d’autres thématiques de santé, selon les années, sont abordées dans le questionnaire comme les conduites addictives sans substance (jeux d’argent et de hasard, par exemple), la santé mentale, le handicap ou les comportements alimentaires.

ESCAPAD interroge tous les adolescents convoqués à la journée défense et citoyenneté (JDC) durant une période de 15 jours. En 2022, 23 701 adolescents présents, âgés de 17,4 ans en moyenne, ont ainsi reçu un questionnaire autoadministré anonyme entre le 21 et 25 mars 2022. L’échantillonnage aléatoire, un taux de participation de 84 % (présents vs convoqués) ou encore un taux de réponse supérieur à 95 % (présents vs questionnaires valides) garantissent la bonne représentativité de l’échantillon de répondants. L’enquête permet ainsi d’estimer, entre autres données épidémiologiques, les niveaux de consommation de drogues licites ou illicites parmi les jeunes Français âgés de 17 ans et d’en suivre les évolutions sur deux décennies.

Niveaux d’expérimentation

La première substance illicite expérimentée durant l’adolescence est le cannabis, en 2022, 29,9 % des adolescents de 17 ans en avaient déjà consommé au moins une fois dans leur vie. En comparaison, les niveaux d’expérimentation des autres produits illicites comme la cocaïne, l’ecstasy (ou MDMA), l’héroïne… sont bien moindres et inférieurs à 2 %, niveau d’expérimentation le plus élevé observé en 2022 pour l’ecstasy.

Ces niveaux marquent tous une baisse importante par rapport à 2017. Derrière l’ecstasy, la cocaïne (hors freebase/crack) est la deuxième substance expérimentée avec 1,4 % des adolescents de 17 ans, viennent ensuite les drogues hallucinogènes (LSD, champignons, kétamine) autour de 1 %, l’expérimentation de l’héroïne et du crack demeurant résiduelle avec des niveaux inférieurs à 1 %. Au final, avoir déjà consommé au moins une des huit substances questionnées concerne, en 2022, 3,9 % des jeunes Français de 17 ans.

Il convient de préciser que l’expérimentation de ces produits survient plus tardivement que celles de l’alcool, du tabac et du cannabis, soit au-delà de 16 ans en moyenne.

L’expérimentation de ces substances s’est accrue de manière continue jusqu’en 2014, avant d’amorcer une baisse qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Derrière cette évolution généralisée de baisse se cachent des dynamiques propres à chaque substance. Par exemple, si les niveaux pour la cocaïne ont progressé régulièrement avant de baisser, ceux de l’usage d’ecstasy (ou MDMA) ont connu des variations erratiques au cours des deux dernières décennies. Ces variations sont difficiles à expliquer, mais peuvent être liées à des phénomènes de mode qui peuvent à l’adolescence être parfois éphémères.

Statut scolaire

À l’instar de la consommation d’alcool ou de cannabis, ces expérimentations de produits illicites (autres que le cannabis) restent un peu plus le fait des garçons même si, compte tenu des niveaux, il est difficile de conclure que les comportements entre filles et garçons puissent diverger ou converger. Les usages de LSD et de champignons hallucinogènes s’avèrent cependant légèrement plus marqués par le genre.

Elles sont, par ailleurs, très fortement associées au statut scolaire, les jeunes sortis du système scolaire (adolescents déscolarisés, en service civique ou, plus rarement, en emploi) sont les plus nombreux à consommer au moins un autre illicite (11,3 % d’expérimentation), devant les apprentis (6,9 %) et les lycéens (3,5 %). Ces différences peuvent, pour partie, s’expliquer à la fois par une autonomie financière (même si elle reste limitée) ou un moindre contrôle parental. Il convient de noter que la relation entre usages de substances et sortie précoce du système scolaire ne relève pas d’une causalité à sens unique : si l’effet de ces substances sur les performances scolaires à l’adolescence est bien établi, les problèmes conduisant à une sortie précoce du système scolaire apparaissent généralement bien avant les premiers usages de substances psychoactives illicites (après 16 ans), et en constituent même un déterminant.

Cette photographie en 2022 des usages de substances psychoactives illicites parmi les adolescents de 17 ans traduit une évolution favorable en termes de santé publique. Si les tendances observées sont le fruit des dynamiques à l’œuvre depuis une dizaine d’années, il convient de ne pas oublier qu’elles interviennent après deux années singulières, marquées par la crise sanitaire liée au Covid-19 et plusieurs confinements de la population qui ont perturbé fortement les sociabilités juvéniles. Cela pourrait avoir contribué au recul observé entre 2017 et 2022 des expérimentations, qui se déroulent majoritairement dans des contextes de sociabilité et festifs.The Conversation

Stanislas Spilka, Responsable unité DATA, Observatoire français des drogues et tendances addictives

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.