L’usage précoce et sévère de cannabis, à l’adolescence et en particulier avant 16 ans est associé à une augmentation du risque d’entrée en psychose, de rechute des troubles psychotiques et d’autres pathologies mentales. Le retentissement cognitif est aussi plus sévère lorsque la consommation est précoce avec une persistance plus longue des troubles cognitifs, de la mémoire, de l’attention et exécutifs. Or de tels troubles cognitifs sont préjudiciables pour l’arrêt du produit, impacte le fonctionnement familial et social du sujet ce qui peut conduire à sa marginalisation. Dans ce contexte, il apparaît donc crucial de mieux comprendre les modifications neurobiologiques associées à de tels troubles.
Le cannabis est composé de plus de 90 cannabinoïdes dont le THC, composé psychoactif dont l’action passe par les récepteurs CB1 des neurones. Les études chez l’animal ont montré une dysrégulation glutamatergiques au niveau de structures telles que l’hippocampe impliqué dans les phénomènes de mémorisation et le striatum. Les neurones et les cellules gliales de l’hippocampe sont porteuses de récepteurs CB1 en particulier les astrocytes qui assurent un rôle dans la communication entre neurones par le biais du système endocannabinoïde. Des études chez l’animal suggèrent que les troubles de la mémoire pourraient être liés à une dysrégulation glutamatergique impliquant les récepteurs CB1 des astrocytes de l’hippocampe et pas seulement des neurones. En spectroscopie par résonnance magnétique à proton, certaines études chez l’homme ont montré une diminution des taux de glutamate dans cette région. D’autres ont mis en évidence une diminution d’un marqueur astrocytaire, le myoinositol dans plusieurs régions (thalamus, noyaux de la base, ACC, cortex temporal et partiétal) et enfin une autre a mis en évidence une diminution d’un marqueur de l’intégrité neuronale (NAA). De tels résultats n’ont pas été reproduits dans toutes les études mais il apparaît clairement que les drogues telles que l’alcool, la cocaïne et l’ecstasy affectent les taux de glutamate et autres métabolites cérébraux. Dans une étude récente parue en 2019, des chercheurs se sont intéressés aux niveaux des métabolites des cellules gliales et des neurones, le myoinositol et le NAA, et aux taux de glutamate, marqueur direct de la neurotransmission affectée par la modulation de CB1 via le THC, chez des usagers chroniques de cannabis depuis l’adolescence versus des non-fumeurs. Ils ont utilisé la spectroscopie par résonnance magnétique à proton focalisée en région hippocampique, riche en cellules gliales et en neurones impliqués dans la neurotransmission glutamatergique et région critique pour son implication dans l’encodage mnésique. Ils ont montré une diminution dans l’hippocampe des taux de myoinositol, marqueur glial, sans modification des taux de glutamate ou de NAA, marqueurs du métabolisme neuronal, par rapport aux non-fumeurs.
Il est possible que la diminution du myoinositol dans l’hippocampe reflète des altérations au niveau des cellules astrocytaires à l’origine des troubles mnésiques. D’une manière plus générale, les astrocytes sont impliqués dans l’inflammation, la régulation de l’homéostasie, la modulation de la neurotransmission, la transmission du signal mais sont et surtout aussi impliqués dans les phénomènes de potentialisation à long et court terme c’est-à-dire la plasticité neuronale. Il a été démontré une diminution de la densité de dendrites neuronales au niveau de l’hippocampe chez des rats exposés au cannabis associés à des déficits de plasticité à long terme et des troubles de la mémoire. Les mécanismes des altérations de la plasticité neuronale et des déficits cognitifs chez les usagers chroniques de cannabis pourraient donc être plus complexes, impliquant des troubles de la modulation glutamatergique au niveau de la communication neurone-astrocyte. Mieux comprendre l’impact du cannabis et autres drogues sur la communication entre cellules gliales et neurones est donc crucial pour comprendre les altérations de la plasticité neuronale induites par les drogues et les déficits cognitifs si préjudiciables à l’implication du sujet dans le traitement de sa pathologie
Un article de Laurence Lalanne-Tongio