La crise américaine des opioïdes a commencé par une offre démesurée d’antalgiques de niveau 3 dont le symbole est l’oxycodone. Purdue Pharma a mis sur le marché l’Oxycontin en 1995 mais, contrairement à ce qu’écrit Slate dans son article « le lean décime les rappeurs », la molécule a été synthétisée en 1916 puis mise sur le marché sous le nom d’Eucodal. Purdue s’est contenté de mettre au point une galénique « slow release » (à durée d’action prolongée) supposée permettre une prise matin et soir pour couvrir le nycthémère (même cette promesse du labo est fausse : la galénique SR dure plutôt 8h que 12…).
Par ailleurs, on peut, aux Etats-Unis, faire de la pub grand public pour des médicaments sur prescription (Purdue ne s’est pas gêné pour le faire en direction des 70 millions de lombalgiques étatsuniens) et associer des antalgiques de niveau 3 avec du paracétamol, de l’aspirine ou un AINS : Percocet, Percodan. Dans les deux cas, c’est impossible en Europe.
Mais ce qui tue principalement aujourd’hui, tant aux US qu’au Canada, ce n’est ni le « lean » ni l’oxycodone mais les Fentanyls Non Pharmaceutiques (FNP) vendus sur le marché clandestin soit pour de l’héroïne dans la rue soit pour de l’oxycodone sur le net. Or, actuellement, les précurseurs des FNP sont faciles à trouver et la synthèse assez simple. De plus la naloxone marche moins bien avec les fentanyls qu’avec les autres opioïdes.
La vraie menace pour l’Europe serait l’apparition sur le marché noir des FNP. Si cela arrive, on s’en apercevra, hélas, vite car le nombre des Overdoses augmentera brutalement.
Concernant les prescriptions d’antalgiques de niveau 3 en France (buprénorphine, fentanyl, hydromorphone, morphine, oxycodone et péthidine), mon impression clinique est que l’Instanyl est beaucoup trop souvent prescrit hors AMM (pas de traitement de fond, pas de cancer) tandis que l’oxycodone augmente depuis qu’en 2012 l’ANSM a étendu les indications aux douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC). Il faut donc replacer l’augmentation considérable des prescriptions d’oxycodone dans un contexte où elles étaient encore très basses il y a peu. Là aussi Slate se trompe… ou est en avance sur le cours de l’histoire !
En revanche, les médecins prescrivent le tramadol d’autant plus facilement qu’il est antalgique de niveau 2 et donc associable, sous nos climats, au médicament vedette des français : le paracétamol (Ixprim).
Une étude de 2016 sur les décès liés aux drogues et opioïdes issue du CEIP-A à mis en lumière plusieurs fait marquant :
- Hausse du nombre de décès liés à la méthadone et stabilisation de ceux liés à la buprénorphine avec une incidence des décès 7 fois plus élévée avec la méthadone qu’avec la buprénorphine.
- Augmentation du décès par opioïde licites, surtout lié à la morphine (skenan, actiskenan)
- Augmentation des décès lié à la cocaïne, stabilisation des décès liés à l’héroïne et amphétamines
- Apparition des premiers décès liés à la ketamine
- Augmentation des décès par les NPS (Nouveaux Produits de Synthèses) avec l’apparition des premiers décès par Fentanyl
Hélas, l’arrivée des Fentanyloïdes est illustrée par le terrible témoignage du livre « Maman ne me laisse pas m’endormir » où une mère raconte la descente aux enfer de son fils Joseph, décédé d’une overdose d’anxiolytiques et de Fentanyl.
Cet article est une synthèse d’un post de Bertrand Lebeau