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Pourquoi avoir fait cette recherche ?
L’addiction aux achats en ligne (compulsive buying-shopping disorder CBSD) est caractérisée par des comportements d’achat compulsifs, excessifs et incontrôlés, provoquant des conséquences négatives sur la vie quotidienne. Bien que la réactivité aux stimuli liés aux achats compulsifs ait déjà été étudiée, le rôle du stress aigu dans l’interaction entre les processus émotionnels et cognitifs reste peu exploré.
Une équipe de chercheurs allemands a tenté de comprendre si le stress peut accentuer la réactivité aux stimuli liés aux achats en ligne et influencer les biais attentionnels et les associations implicites chez les individus souffrant de CBSD.
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Quel était le but de cette recherche ?
L’étude visait à examiner l’impact du stress aigu sur trois aspects cognitifs :
- La réactivité aux stimuli liés à l’achat en ligne : niveau d’excitation et envie face à des images d’achat.
- Le biais attentionnel : préférence inconsciente pour les stimuli liés aux achats.
- Les associations implicites entre achats et émotions positives.
Un objectif secondaire était d’évaluer si le niveau de craving (l’envie irrésistible d’achat) joue un rôle modérateur entre la réponse au stress et ces processus cognitifs.
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Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?
L’étude portait sur un échantillon de 127 femmes allemandes (âge moyen : 32,9 ans) recrutées au sein du Hannover Medical School ou de centres de soins pour les addictions comportementales de la région de Basse-Saxe ou de Duisburg-Essen, soit 63 patientes avec un CBSD issues de la cohorte FOR2974 et 64 témoins avec un comportement non problématique d’achats en ligne.
A noter que les personnes avec des troubles psychiatriques sévères, des idées suicidaires, un trouble de l’usage de substances actuel ou une prise de médicaments qui interfèrent avec la performance cognitive ou la réponse au cortisol ont été exclues.
Pour l’induction du stress aigu, les participantes étaient assignées aléatoirement à l’une des deux conditions, stress et non-stress (placebo) par la réalisation du Trier Social Stress Test (TSST), qui correspond à une tâche de prise de parole en public avec du calcul mental sous pression sociale (ou sans pression pour le groupe placebo).
Après l’induction du stress, les participantes passaient plusieurs tests comportementaux et cognitifs. Une tâche de réactivité aux stimuli, c’est-à-dire le visionnage d’images liées aux achats en ligne et la notation de leur impact émotionnel (excitation, envie d’achat, valence agréable ou désagréable). Une tâche d’évaluation du biais attentionnel (paradigme dot-probe) par la mesure chronométrée du temps de réponse face à des images d’achats en ligne versus des images de réseaux sociaux. Une tâche des associations implicites correspondant à l’évaluation des associations inconscientes entre achat et émotions positives/négatives. Enfin des mesures biologiques du stress par le dosage de l’alpha-amylase salivaire et du cortisol salivaire avant et après le test de stress.
Des tests statistiques ont été réalisés pour comparer les groupes (CBSD versus témoins) et les conditions (stress versus non-stress) ainsi que pour analyser les associations entre craving, réponse au stress et biais cognitifs.
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Quels sont les principaux résultats à retenir ?
Concernant la réactivité aux stimuli d’achat, les participantes avec un CBSD ont montré des réactions émotionnelles plus fortes aux images liées aux achats que les témoins (excitation et envie d’achat plus élevées). De plus, cette réactivité s’étendait également aux images de réseaux sociaux, suggérant un phénomène de généralisation. Cependant, le stress aigu n’a pas modifié cette réactivité. Pour les biais attentionnel et les associations implicites, les participantes avec un CBSD n’ont pas montré de préférence marquée pour les stimuli d’achat par rapport aux témoins et il n’existait aucun effet significatif du stress aigu sur ces deux tâches. En outre, le craving n’a pas influencé le lien entre la réponse au stress et les performances cognitives contrairement aux hypothèses formulées par les auteurs. Enfin, il n’existait aucune relation significative entre l’intensité du craving et la performance dans les tâches d’attention et d’association implicite.
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Points-clés à retenir :
Les personnes souffrant de CBSD présentent une réactivité émotionnelle accrue aux images d’achat en ligne. Le stress aigu n’a pas d’effet significatif sur la réactivité aux stimuli, le biais attentionnel ou les associations implicites. L’absence de lien entre craving et biais cognitifs suggère que d’autres mécanismes (par exemple le contrôle inhibiteur) pourraient jouer un rôle clé dans le CBSD.
Les limites de cette étude sont liées à un échantillon uniquement composé de femmes, et un cadre expérimental pouvant ne pas refléter les déclencheurs réels du stress aigu au quotidien.
Müller A, Joshi M, Kessling A, Erdal N, Tilk K, Merz CJ, Wolf OT, Wegmann E, Brand M. Effects of acute stress on cue reactivity and implicit cognitions in online compulsive buying-shopping disorder. J Behav Addict. 2025 Jan 31.
En savoir plus : https://doi.org/10.1556/2006.2025.00002