Prévalence et phénotypes cliniques de patients adultes ayant un trouble du déficit de l’attention (avec ou sans hyperactivité) associé à une addiction comportementale

Une synthèse scientifique réalisée par l’Institut fédératif des addictions comportementales (IFAC).

Addictions comportementales
Hyperactivité adulte

Alors que le lien entre le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et le trouble de l’usage des substances a fait l’objet de nombreuses études scientifiques, une équipe de chercheurs italiens a évalué la prévalence de patients ayant un TDAH associé à une addiction comportementale.

Pourquoi avoir fait cette recherche ?

Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et les addictions en général ont de nombreux dysfonctionnements neuronaux en commun (incidences sur le processus de récompense, les fonctions exécutives et le contrôle de l’inhibition). Les corrélations entre le trouble de l’usage des substances et le TDAH ont été largement étudiées (avec une prévalence de 80 % dans la population clinique ayant un TDAH [Choi, Woo, Wang, Lim, Bahk, 2022]), mais nous en savons peu sur le lien entre le TDAH et les addictions comportementales. Ceci peut être dû aux différences de nomenclature pour décrire les addictions comportementales selon leur nature, et au fait que toutes les addictions comportementales ne sont pas reconnues à proprement parler comme des troubles addictifs dans les manuels diagnostiques de la CIM et de la DSM, ce qui complexifie largement les études scientifiques sur le sujet. Ainsi, quelques recherches ont été menées sur le lien entre le TDAH et certaines addictions comportementales ciblées (comme le jeu d’argent pathologique ou l’addiction sexuelle), mais majoritairement en recherchant la prévalence du TDAH dans des populations de personnes souffrant d’addictions comportementales. Les études ayant proposé d’explorer le lien inverse (prévalence des addictions comportementales chez des patients avec TDAH) ont quant à elles été menées majoritairement sur des populations d’enfants et adolescents.

Quel est le but de cette recherche ?

Le but de cette étude était donc d’évaluer la prévalence des addictions comportementales (toutes addictions comportementales confondues) parmi un échantillon de patients adultes ayant un TDAH, et de comparer le profil clinique des patients présentant ou non une addiction comportementale associée au TDAH.

Comment les chercheurs ont-ils fait pour répondre à cet objectif ?

Un échantillon de 248 adultes ayant reçu pour la première fois un diagnostic de TDAH (en passant le test DIVA avec des psychiatres) a complété des auto-questionnaires permettant de dépister la présence d’une addiction comportementale, parmi les suivantes : trouble du jeu d’argent et de hasard, addiction à Internet, addiction au sexe, troubles des achats compulsifs et troubles du comportement alimentaire. Par ailleurs, d’autres questionnaires permettaient d’explorer la prévalence et l’intensité des symptômes suivants : impulsivité, troubles de l’humeur et de l’anxiété, et troubles cognitifs. Ces symptômes ont été comparés entre les patients ayant un TDAH associé à au moins une addiction comportementale et les patients ayant un TDAH sans addiction comportementale associée.

Quels sont les principaux résultats à retenir ?

Dans l’échantillon de 248 patients ayant un TDAH, 58.9 % avaient au moins une addiction comportementale associée (31.9 % avaient une addiction comportementale et 27.0 % deux addictions comportementales ou plus). L’addiction à Internet était l’addiction la plus répandue (33.9 %, contre une prévalence de 8.5 % dans la population générale), suivie des troubles du comportement alimentaire (28.6 %), des achats compulsifs (19.0 %), de l’addiction sexuelle (12.9 %) et du trouble du jeu d’argent et de hasard (3.6 %). Les patients associant un TDAH et une addiction comportementale présentaient des symptômes de TDAH (actuels et dans l’enfance) plus sévères, avec une impulsivité cognitive et motrice plus importantes, des symptômes des troubles de l’humeur et de l’anxiété plus conséquents, et un fonctionnement exécutif (c’est-à-dire l’ensemble des processus cognitifs permettant de faciliter l’adaptation aux situations nouvelles et/ou complexes) plus impacté.

Les auteurs reconnaissent la limite des auto-questionnaires, qui ne sont pas aussi fiables pour établir un diagnostic d’addiction comportementale que les diagnostics réalisés par des psychiatres. Ils précisent également que les patients composant l’échantillon avaient un niveau d’éducation élevé et qu’il faudrait, dans le futur, généraliser cette étude à des patients de tout niveau d’éducation. Ils préconisent que les médecins qui viennent de diagnostiquer un patient adulte avec un TDAH devraient également explorer de façon systématique la présence de potentielles addictions comportementales associées, compte-tenu de la fréquence de cette association.

Les points clés à retenir :

  • Les addictions comportementales sont très fréquentes chez les patients adultes ayant un TDAH, et concernent plus de la moitié des patients.
  • Les patients présentant l’association TDAH – addiction comportementale semblent avoir un phénotype clinique plus complexe, avec des symptômes du TDAH plus sévères, et des troubles de l’humeur et d’anxiété, des niveaux d’impulsivité et des dysfonctionnements cognitifs plus importants.

Plus d’informations sur cette recherche :

Auteurs : Giacomo Grassi, Corina Moradei, Chiara Cecchelli

Prevalence and clinical phenotypes of adult patients with attention deficit hyperactivity disorder and comorbid behavioral addictions ; Journal of Behavioral Addictions, Avril 2024

Retrouvez la synthèse de l’article du mois «Prévalence et phénotypes cliniques de patients adultes ayant un trouble du déficit de l’attention (avec ou sans hyperactivité) associé à une addiction comportementale» sur le site de l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales (IFAC) du CHU de Nantes.