La légalisation du cannabis dit « récréatif », qui s’observe dans de nombreux pays d’Amérique et d’Europe (l’Allemagne va bientôt légaliser), soulève de grandes polémiques entre les partisans et les opposants à ce choix fondamental de santé publique. Parmi les arguments le plus souvent retrouvés dans le discours des opposants, la légalisation risquerait d’entrainer une banalisation de l’usage et ainsi une exposition accrue de la jeunesse, alors que les adolescents et jeunes adultes sont les sujets les plus vulnérables face à l’action du cannabis qui exacerbe et précipite les troubles psychotiques chez les individus à risque.
En 2013, l’Uruguay a été le tout premier pays à légaliser le cannabis récréatif. Et cette décision a été accompagnée d’une organisation très particulière, reposant sur un monopole d’État de la commercialisation, et un achat des produits en pharmacie, à l’opposé d’un modèle libéral tel qu’on peut le voir dans certains États des USA. Avec un recul de presque 10 ans, le modèle uruguayen est propice à des études qui ont désormais un recul temporel, et dont les résultats et interprétations peuvent être riches en leçons pour les pays qui se posent la question de franchir le pas.
Dans cette étude, les auteurs, issus d’un consortium de scientifiques américains, uruguayens et chiliens, ont repris les données d’enquêtes annuelles réalisées en 2007 et 2018 chez plus de 200 000 élèves et étudiants du secondaire et premier niveau des études universitaires (12-21 ans) en Uruguay et au Chili. Ils ont ainsi pu comparer, les usages de cannabis entre la période pré-légalisation, la période post-légalisation immédiate, et les années qui ont suivi la mise en place effective de l’accès au produit. Ils ont aussi pu comparer les tranches d’âge.
L’étude retrouve une diminution des taux d’usage déclarés sur un an, et d’usage au cours du dernier mois. Chez les 18-21 ans, une augmentation transitoire des usages est constatée après 2014, mais cette évolution disparait après 2016, et s’inverse au contraire pour les taux de prévalence d’usage sur l’année, et les taux d’usage fréquent. Cette étude suggère ainsi que la légalisation du cannabis n’a pas entrainé d’augmentation manifeste des usages de cannabis chez les adolescents et jeunes adultes, ce qui est a priori rassurant sur les conséquences de telles décisions sociétales.
Le modèle uruguayen étant très différent des modèles états-uniens et du modèle canadien, il faut bien sûr, et comme toujours, rester prudent face aux résultats d’une étude unique, menée dans un seul pays. Néanmoins, les premières remontées épidémiologiques aux USA ou au Canada semblent également montrer une absence d’augmentation des usages dans la jeunesse.