Geneviève Lafaye : Gènes de l’horloge et dépendance au cannabis

Les addictions sont des pathologies complexes d’origine multifactorielle, associant des facteurs environnementaux et individuels. Parmi ceux-ci, les facteurs génétiques ont actuellement une place importante dans le cadre de la recherche portant sur les troubles liés à l’utilisation d’une substance.

Cannabis

Les addictions sont des pathologies complexes d’origine multifactorielle, associant des facteurs environnementaux et individuels. Parmi ceux-ci, les facteurs génétiques ont actuellement une place importante dans le cadre de la recherche portant sur les troubles liés à l’utilisation d’une substance. En effet, l’identification de marqueurs biologiques pourrait améliorer le dépistage et la prise en charge des patients présentant des conduites addictives.

Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), environ 200 millions de personnes dans le monde consomment ou ont consommé du cannabis, correspondant à environ 3% de la population entre 15-64 ans.

 

Le cannabis est souvent mis en avant par les usagers comme un facteur pouvant réguler leur sommeil. Mais les liens entre ces troubles et les conduites addictives sont bidirectionnels. Les travaux de recherche portant sur sommeil et cannabis suggèrent que l’utilisation à court terme de cannabis peut avoir un impact thérapeutique sur le sommeil. Cependant, la consommation régulière est associée à une perturbation des rythmes circadiens. Les troubles du sommeil sont un symptôme de sevrage majeur à l’arrêt du cannabis. Ils peuvent persister plusieurs mois, jouant un rôle non négligeable dans le risque de rechute.

 

Les gènes de l’horloge, régulant les rythmes circadiens ont fait l’objet de nombreux travaux. Compte-tenu de l’association fréquente de troubles du sommeil et de conduites addictives, ce groupe de gènes se révèlent être des marqueurs d’intérêt. La majorité des études ont été réalisées chez des consommateurs d’alcool, d’opiacés et de psychostimulants. Elles ont permis de confirmer des relations bidirectionnelles : La consommation de substances psychoactives peut perturber les rythmes circadiens et inversement des variations génétiques de ce groupe de gènes, et donc une perturbation de ces rythmes, constitueraient un facteur de risque de conduite addictive.

Mais malgré la prévalence importante des consommations et des troubles liés à l’usage de cannabis, et liens importants entre ce produit et le sommeil, aucune donnée n’a été documentée concernant les liens entre gènes de l’horloge et la dépendance au cannabis.

 

Par conséquent, nous avons cherché à explorer pour la première fois le rôle des gènes de l’horloge comme facteur prédisposant potentiel à la dépendance au cannabis, en utilisant une méthodologie de spectrométrie de masse à haut débit permettant une analyse à grande échelle de tous les polymorphismes connus et cliniquement pertinents des gènes de l’horloge recueillis selon les données de la littérature.

 

Nous avons mené une étude génétique d’association cas-témoins sur 177 Caucasiens classés parmi des sujets dépendants du cannabis  (n = 94) et des témoins ayant été exposés au cannabis (n =83). Les co-addictions et comorbidités psychiatriques actuelles ont été considérées comme des facteurs d’exclusion.

 

Les analyses ont permis de mettre en évidence une forte association entre le polymorphisme RS1442849 dans le gène PER1 / HES7 et la dépendance au cannabis. En outre, ce SNP était surreprésenté dans les sous-groupes d’usagers de cannabis présentant des critères de sévérité tels que les ATCD psychiatriques personnels, la situation socio-professionnelle défavorable, la précocité des consommations (<16 ans) ainsi que l’importance de la consommation hebdomadaire (> 13 g / semaine). Le gène HES7 est un gène nouvellement décrit avec une expression circadienne régulée par des espèces réactives d’oxygène dans de nombreux types de cellules, y compris les cellules souches neurales. Le génotype HES7 TT * du gène RS1442849 pourrait intervenir sur les systèmes de récompense de la dopamine. Ce génotype représente donc le premier marqueur potentiel pour la stratification des consommateurs de cannabis pour le risque de développer une véritable dépendance.