Aux abords de Palerme, en Sicile, le 23 mai 1992, le juge Giovanni Falcone et son épouse sont assassinés. Leur voiture piégée avec plus de cinq cents kilos d’explosifs ne laissa aucune chance au couple. La Cosa Nostra réussissait ainsi à se débarrasser d’un magistrat bien trop fouineur, obstiné et donc encombrant. Comme un grand nombre de ses collègues avant lui, le juge n’a pas réussi à échapper aux tentacules mafieuses qui auront eu raison de lui…
Si Roberto Saviano nous propose, non pas un essai, une enquête, ou un biographie, mais un roman-enquête, c’est que la fiction peut trouver sa place dans le récit des événements qui ont mené à l’assassinat du juge Falcone. Même si tous ces événements se sont bel et bien déroulés, et que chaque personnage a bel et bien existé, l’auteur, « à l’aide de son imagination, a relié des faits, comblé des vides, reconstitué des dialogues, construit de courtes scènes ou donné corps à des émotions et des pensées… », nous explique-t-il en préambule.
Le récit est épique, à l’image d’une lutte anti-mafia qui a fait couler beaucoup trop de sang et de larmes. Il nous plonge dans les mécanismes d’une organisation mafieuse qui a su faire fructifier ses affaires et se mettre à l’abri en se mettant dans la poche des hommes politiques corrompus qui ont fermé les yeux sur les tonnes d’héroïne et de cocaïne qui transitaient par l’Italie.
Si Palerme a constitué une plaque tournante du traffic, c’est que la ville se trouve au carrefour d’une Europe prête à accueillir la cocaïne sud-américaine et l’héroïne en provenance du Moyen-Orient pour la faire voyager ensuite vers les Etats-Unis…
Le juge Falcone a commencé à s’investir dans cette lutte au milieu des années soixante-dix pour l’intensifier par la suite jusqu’à en faire son cheval de bataille. Son combat nécessitera une protection renforcée, celle dont bénéficie Roberto Saviano depuis la parution de Gomorra, sa fameuse enquête parue en 2006, et qui lui valut les foudres de la mafia italienne toujours encline à lui tomber dessus.
Du courage, il en a fallu aussi au juge Falcone pour s’en prendre aussi ouvertement à la Cosa Nostra et construire un dossier d’instruction très étoffé le menant au fameux “maxi-procès de Palerme“ qui s’est tenu en 1986-1987.
Retraverser ici l’ensemble du parcours du juge, c’est avancer en sa compagnie, mais à distance, surveillant ses arrières, avec cette menace permanente pesant lourd dans sa vie personnelle et sa carrière professionnelle.
Giovanni Falcone avait accepté son sort probable, mais rien ne l’aurait empêché de céder…
Thibault de Vivies,
DopamineCity.fr
