"L’activité physique adaptée, un bon outil pour réduire les complications de l’addiction et les risques de rechute"

Nicolas Cabé, psychiatre, addictologue au CHU de Caen et maître de conférences à l’université de Caen nous partage sa parole d’expert sur l’activité physique adaptée.

Toutes les addictions

L’activité physique (AP), quelles vertus ?

L’activité physique c’est mobiliser son corps dans la vie quotidienne. Pour les patients, bien avant le sport, se lever, sortir de chez soi, ranger son appartement est déjà une mise en mouvement. Pour l’accompagnement des addictions, outre la prescription de médicaments et les outils psycho-éducatifs, l’approche biopsychosociale est de mise. L’environnement de vie du patient participe à son rétablissement global. L’activité physique l’amène à se relancer dans ce mouvement, à réduire sa sédentarité et à se resocialiser. L’effet est favorable sur l’anxiété et la dépression et l’estime de soi. L’activité physique active de manière naturelle le circuit cérébral de la récompense ce qui permet de reconquérir petit à petit la place démesurée prise par l’addiction. C’est un bon outil pour réduire à la fois les complications de l’addiction et le risque de rechute.

On parle d’activité physique adaptée (APA) au cœur de la prise en charge des patients atteints de troubles addictifs, pourquoi ?

Le A (adaptée) d’activité physique adaptée est crucial pour tenir compte des limitations des patients et réduire le taux d’abandon de l’activité physique (40% en addictologie). Dans mon service, une doctorante* étudie les obstacles possibles à l’activité physique et les attentes des patients. Les patients ne manquent pas vraiment de motivation à l’activité physique (Sari et al. 2017). Ce sont des barrières structurelles, sociales et émotionnelles qui limitent leur engagement. Les accompagner dans leurs pratiques de l’activité physique est donc essentiel. Évaluer les limitations physiques et psychiques permet d’orienter vers les professionnels et structures adéquats, de la salle de sport grand public au kinésithérapeute. Les éducateurs sportifs peuvent apporter un coaching motivationnel supplémentaire en l’absence de limitations. Les enseignants en APA accompagnent les personnes aux limitations physiques légères à modérées.

Des résultats significatifs ?

Des revues récentes de la littérature internationale montrent que dans les addictions l’activité physique peut améliorer de nombreux paramètres : sédentarité, comorbidités physiques et psychiques, sommeil et appétit, qualité de vie, habiletés sociales, efficacité personnelle… ce qui favorise un moindre risque de rechute (Hallgren et al. 2018 et Cabé et al. 2021). Des études longitudinales (dans la durée) sont en cours pour vérifier s’il y a vraiment un effet direct sur le risque de rechute.

*Projet APADDICTO avec le CHU Caen Normandie, l’ASPTT Fédération Omnisports, l’université de Caen Normandie, l’unité INSERM U1237, et le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS)  Normandie et de la Mission interministérielle de la lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA).

Muriel Gutierrez (Amande épicée)