L’augmentation du nombre de dispositifs électroniques jetables similaires à la JUUL.

Un article publié dans Tobacco Research.

Tabac

Qui n’a pas entendu parler de la Juul, depuis plusieurs mois ? Son succès est surtout observé aux USA, car en Europe, les normes sont différentes (taux maximum de nicotine autorisé : 19,9 mg/ml). En 2018, les ventes se sont envolées au détriment de celles du tabac, ce qui a alarmé l’industrie du tabac.

Introduite dans le marché américain en 2015, Juul était la propriété de PAX Labs, société américaine de vaporisateurs électroniques fondée en 2007. En décembre 2018, Altria, le cigarettier américain propriétaire de la marque Marlboro a confirmé le rachat d’une participation de 35% au capital de Juuul Labs Inc., géant de la cigarette électronique, dans le cadre d’une opération valorisant ce dernier environ 38 milliards de dollars. Ceci s’est produit au moment où les ventes de tabac étaient en chute libre, alors que la vente de vaporettes était élevée. Ce qui en a fait le succès, comme le rappelle Mickaël Hammoudi sur Addictaide, c’est sa petite taille, son aspect extérieur (elle ressemble à une clé USB), et aussi la teneur en nicotine (sels de nicotine) des pods qui peut atteindre 59 mg/ml. Cela équivaut à un paquet de cigarettes traditionnelles, soit 200 bouffées (pour 3 euros).

En l’espace de 3 ans (2015-2018), la start-up Juul a conquis 75% du marché américain des ventes de cigarettes électroniques souligne Rebecca Williams, l’auteure de cet article. Rapidement, on a vu arriver sur le marché des dispositifs jetables « Pods », faisant référence à la Juul ; ils sont facilement identifiables sur internet, où on peut les acheter pour un prix modique (4,60 US $). Une recherche sur Google en identifie 31 marques, avec des taux de nicotine allant jusqu’à 70mg/ml (supérieur à celui de la Juul). La vérification de l’âge légal (plus de 18 ans) est plus que succincte : « avez-vous l’âge légal pour acheter des produits de la vape ? oui / non ».

Une étude (1) effectuée auprès de 979 adultes (âge moyen : 33,2 ans) a montré que 37% étaient d’anciens fumeurs, et 50% vapo-fumeurs. 26% utilisaient la Juul de manière exclusive, et parmi les autres, la moitié l’utilisaient avec une autre vaporette (et l’autre moitié avec du tabac). Près des 2/3 (59,5%) l’avaient juste essayée une ou deux fois, et il n’y avait que 10% d’utilisateurs quotidiens. Ils l’avaient achetée pour faire comme leurs amis, et par curiosité du produit (essayer).

Le recours à la Juul (2) donne des niveaux de nicotine comparables (taux de cotinine urinaire, métabolite de la nicotine) aux autres vaporettes, des niveaux de dépendance nicotinique faible à modéré, et représente ainsi un mode de sortie du tabagisme acceptable.

En 2017, dans le Connecticut, on avait demandé à 2945 lycéens s’ils vapotaient et quel types de vaporettes ils utilisaient (3). 35,6% avaient déjà expérimenté une vaporette, et parmi eux, la Juul était la plus souvent citée (64,2% l’avaient expérimentée, et 47% l’utilisaient actuellement). Si la Juul était le plus souvent utilisée seule, les autres modèles étaient utilisés avec d’autres produits du tabac. La nicotine était plus fréquemment utilisée pour la Juul  que pour les autres modèles: 9 cas sur 10 (taux élevé de nicotine) pour la Juul vs 1 cas sur 3 pour les autres modèles de vaporettes. Les auteurs (4) ont constaté que 39% des lycéens ne pensaient pas que la Juul était une vaporette ou l’ignoraient. Un sur trois ignorait le taux de nicotine contenu dans ce dispositif, beaucoup pensaient que 50 mg/ml était un taux faible ou moyen. Un manque d’information flagrant !

La publicité pour la Juul est retrouvé sur les réseaux sociaux comme Twitter: les messages sur le compte @JUULvapor étaient suivis à 45% par des jeunes de 13-17 ans, et seulement à 20% par des adultes de 21 ans et plus (5). Les thèmes principaux étaient les suivants : la dépendance nicotinique, les effets de la nicotine et le sevrage de la Juul. Une étude à paraître (6) montre que l’exposition à la publicité pour ces dispositifs augmente le risque d’expérimentation à l’adolescence.

Références bibliographiques

1 E.L.S. Leavens, et al. JUUL electronic cigarette use patterns, other tobacco product use, and reasons for use among ever users: Results from a convenience sample. Addictive Behaviors 95 (2019) 178–183.

2 N. Nardone, et al. JUUL electronic cigarettes: Nicotine exposure and the user experience. Drug and Alcohol Dependence 203 (2019) 83–87.

3 S. Krishnan-Sarin et al. E-cigarette devices used by high-school youth. Drug and Alcohol Dependence, 194 (2019) 395–400.

4 M.E. Morean et al. Adolescents’ awareness of the nicotine strength and e-cigarette status of JUUL e-cigarettes. Drug and Alcohol Dependence, 204 (2019) 107512.

5 J.E. Sidani, et al. I wake up and hit the JUUL: Analyzing Twitter for JUUL nicotine effects and dependence. Drug and Alcohol Dependence, 204 (2019) 107500.

6 J. Hansen, R. Hanewinkel, M. Morgenstern. Electronic cigarette advertising and teen smoking initiation. Addictive Behaviors,103 (2020) 106243.

 

Dr Philippe Arvers (1,2,3)

Observatoire Territorial des Conduites à Risques de l’Adolescent (MSH-UGA)

7ème Centre Médical des Armées (Varces)

Institut Rhône Alpes Auvergne de Tabacologie (Lyon)

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