Les auteurs argumentent d’abord sur l’intérêt de cette réflexion. Ils commencent par rappeler que les recherches occidentales en matière d’addiction sont peu coordonnées, et que des opportunités importantes sont parfois manquées. Cette situation est certainement due aux contraintes budgétaires propres à ce champ de recherche au niveau des états, mais aussi à l’absence de réelle coopération inter-états, et à la rareté des gros consortiums internationaux de recherche que l’on voit fleurir dans d’importantes disciplines comme la cardiologie ou l’hépatologie.
La Chine constitue 18% de la population mondiale, et 19% du PIB mondial. Quoi que l’on pense de son système politique, la Chine est un pays très centralisé et peut mener des actions de recherche et de santé publique à l’échelle de son milliard d’habitants. La situation chinoise en matière d’addiction est par ailleurs loin d’être rose. Par comparaison aux pays occidentaux, elle possède encore un très haut taux de fumeurs de tabac. L’usage d’alcool est fréquent et parfaitement accepté culturellement, et les pratiques de jeu d’argent, en particulier sur Internet, sont désormais très développées.
30 sujets de recherche prioritaires sont identifiés par les universitaires chinois en addictologie. Certains de ces sujets soulignent la nécessité de développer des études épidémiologiques de haute qualité pour disposer de données populationnelles qui font actuellement cruellement défaut. Comme dans d’autres domaines, la Chine aura au départ besoin d’une expertise étrangère pour acquérir le niveau d’expertise nécessaire sur un plan scientifique. Les auteurs insistent sur des enquêtes mesurant le niveau de connaissances et les croyances des habitants en matière d’addiction, car très peu est connu sur ce sujet, dans un pays aux nombreuses provinces, et qui possède une médecine traditionnelle avec ses théories et ses pratiques, en particulier au sein des différentes populations qui composent la Chine.
Même si les priorités chinoises sont de mieux connaitre leur population et ses besoins en matière d’addiction, les scientifiques chinois sont également conscients de l’énorme potentiel scientifique que leur immense population et leur nouvelle richesse leur permet d’espérer. La Chine, bien plus que l’Europe et même les USA, va être capable de mener des études épidémiologiques et des essais cliniques sur des échantillons colossaux de patients, ce qui devrait éviter de nombreux biais.
Attention toutefois, car des épisodes récents en matière de publication scientifique (hors du champ addictologique) ont montré que les pratiques chinoises en matière de publication devaient encore parfois progresser en termes de rigueur et d’honnêteté éthique.
Par Benjamin ROLLAND